Exclusif : « Il n’y a aucune mesure de relance économique dans la LFR 2020 » ( Jean Valentin Leyama)

DIG/ Les emprunts successifs du gouvernement pour lutter contre la pandémie de la Covid-19 ne cessent de susciter les réactions des analystes économiques les plus réputés du pays.

Dans cet entretien exclusif accordé à la rédaction de Direct Infos, l’universitaire gabonais, expert économique et financier, Jean Valentin Leyama met en lumière les limites de la politique d’endettement du pays, et les risques d’une trop grande pression fiscale sur les entreprises dans la loi de finances rectificative 2020.

Entretien

Direct Infos : Entre avril et juillet 2020, le Gabon a contracté près de 250 milliards de francs sous forme d’emprunts au titre de la riposte contre la Covid-19. Pensez-vous que ces emprunts sont excessifs ?

Jean valentin Leyama : La lutte contre la pandémie de la COVID-19 a mobilisé effectivement beaucoup d’argent, sous la forme de contributions publiques et privées (dons) ainsi que des prêts.

Il faut saluer et actualiser l’excellent travail de récapitulation effectué par notre compatriote Geoffroy Foumboula Libeka qui, à partir des annonces officielles, estime le montant total des fonds reçus à près de 419 milliards, à la mi-juin.

Si on ajoute à ce montant, les deux appuis budgétaires reçus depuis lors, l’un de 85 milliards du FMI et l’autre de 156 milliards de la BAD, soit 241 milliards au total, nous sommes à 660 milliards de fonds mobilisés au minimum dont 403,2 milliards de prêts. C’est énorme en effet.

L’opinion critique beaucoup ces recours systématique à l’emprunt. Mais dans la situation actuelle, l’Etat a-t-il d’autres options pour faire face à la baisse de ses recettes ?

Le recours à l’emprunt n’est pas mauvais en soi. Lorsque l’emprunt finance des investissements rentables, il agit comme un « levier » en multipliant la richesse du bénéficiaire, dès lors que le taux de rentabilité brute de l’investissement est supérieur au coût de l’emprunt.

Dans ce cas précis, il est préférable d’emprunter que d’utiliser son épargne. A contrario, lorsque la rentabilité du projet est plus faible que le coût de l’emprunt, il y a « effet » de massue, l’endettement devient contreproductif.

Je suis convaincu que le Gabon est, par rapport à votre question, dans le deuxième cas de figure, d’autant que cet endettement supplémentaire sert à couvrir les dépenses de fonctionnement plutôt que l’investissement. Comme vous le dites si bien, l’Etat n’a ni marge ni alternative, il est dos au mur.

Pour le ministre de l’Economie, la réponse favorable des bailleurs de fonds démontre la bonne gouvernance du pays. Partagez-vous cet optimisme ?

Les bailleurs de fonds, dont les principaux contributeurs sont les partenaires économiques, financiers et politiques du Gabon, n’ont pas intérêt à voir l’économie du Gabon s’effondrer. Si, au bord de la rive d’un fleuve, vous voyez votre voisin risquer de se noyer ou se laisser emporter par les eaux par forts torrents, vous lui lancerez une corde afin de le maintenir à flots.

Dans la LFR 2020, les opérateurs économiques se plaignent de l’adoption de plusieurs taxes préjudiciables pour leur secteur d’activité. Est-ce le bon choix pour le gouvernement d’augmenter la pression fiscale pour compenser les pertes de recettes liées à la Covid-19 ?

J’ai dénoncé dans un post sur ma page Facebook, non seulement l’augmentation de la pression fiscale et parafiscale mais aussi le racket des entreprises et des commerces par l’Administration dans ses multiples démembrements.

La loi de finances rectificative 2020 a aggravé cette situation par la réinstauration de la carte de commerçant et la création d’une redevance sur l’agrément technique industriel, qui s’ajoute aux redevances sur la propriété intellectuelle et sur la normalisation. La création de nouvelles entreprises s’en trouve ainsi gravement affectée.

Quel est votre analyse des  priorités du gouvernement dans la LFR 2020. Pensez-vous qu’elles sont de nature à relancer l’Economie ?

Il n’y a aucune mesure de relance dans la LFR2020, ni dans le document de cadrage macro-économique et budgétaire 2021-2023 présenté au Parlement et censé préparer l’après-COVID.

Lors de la formation du Gouvernement Ossouka, il a été créé un ministère de l’économie et de la relance. Faudrait-il croire à un infléchissement ? Espérons-le.

Mais, plus généralement, l’absence de politique économique nuit gravement à la conduite des affaires dans notre pays, le pilotage à vue est maître du temps. Je reviendrai sur cette question en temps opportun.

Je vous remercie.

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Entretien réalisé par la rédaction de Direct Infos .

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La Redaction

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