Exclusif : « Il ne sortira rien de ce gouvernement !  » (Jean Gaspard Ntoutoume Ayi)

DIG/ Commissaire national à l’Union Nationale, en charge du Budget et des Finances, membre du collectif citoyen « Appel à Agir », Jean Gaspard Ntoutoume Ayi (Inspecteur des Finances), a bien voulu se prêter aux questions de la rédaction de Direct Infos sur la composition de l’actuel gouvernement et sa capacité à répondre aux enjeux économiques de l’heure.

Entretien

Direct Infos : D’après certaines rumeurs et documents circulant sur la toile, vous aviez été pressenti au poste de ministre de l’Économie et des Finances… Avez-vous réellement été approché par le pouvoir ?

Jean Gaspard Ntoutoume Ayi : Répondre à votre question, et ce quelle que soit la réponse, ne fera pas taire la rumeur. Bien au contraire. Non pas par crainte de quoi que ce soit, mais par éthique personnelle et en responsabilité. Il est plus indiqué de vous inviter à constater par vous-mêmes que malgré les annonces régulières, et de source autorisée, sur une entrée prochaine au gouvernement, les faits demeurent têtus.

Cela veut-il dire que vous n’avez jamais été approché ou que vous aviez décliné l’offre ?

En responsabilité d’une manière générale, plus encore dans le cadre de responsabilités politiques, il faut se garder de commenter la rumeur pour ne pas risquer de l’alimenter.

En environnement professionnel, comme dans le cadre politique, vous ne serez jamais pris au sérieux si vous n’êtes pas capable de respecter la confidentialité des discussions ou des dossiers auxquels vous êtes associé.

La Politique, contrairement à l’image malheureuse que certains en donnent, est le lieu par excellence où doivent s’exprimer l’éthique et la morale.

Lorsqu’on est honoré d’être porté au Bureau national de l’Union Nationale, aux côtés de Zacharie Myboto, Casimir Oye Mba et Paulette Missambo ; que l’on a été le compagnon d’André Mba Obame ; on ne peut raisonnablement trahir les espérances de ses compagnons et de ses compatriotes pour une aventure solitaire sans lendemain. Le courage, la loyauté et la confiance sont bien plus que des mots, c’est un choix de vie.

En d’autres termes ?

Être ministre d’Ali Bongo et aller lui prêter serment d’allégeance ne fait pas partie des options. Un peu de dignité !

Pensez-vous que le choix d’une femme à la tête du gouvernement peut réellement insuffler un nouveau départ dans la gestion des affaires publiques ?

Le choix du Premier ministre doit obéir à un ensemble complexe de critères. À ma connaissance, le genre ne constitue pas un critère déterminant pour occuper cette fonction.

Le premier ministre est le Chef de la majorité parlementaire, à ce titre il est astreint à une obligation de légitimité politique. Le premier ministre, Chef du gouvernement, est chargé de la coordination de l’action du gouvernement, on doit donc en attendre de la compétence, de l’expérience, de l’autorité et une capacité éprouvée d’animation et de coordination.

Le Premier ministre est nommé par le président de la République pour mettre en œuvre la politique déterminée par celui-ci, il doit en conséquence avoir la totale confiance du Chef de l’État et entretenir avec lui des rapports de travail réguliers et étroits.

Vous supposez que la Première ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda, n’en a pas les capacités  ?

En toute objectivité, Paul Biyoghe Mba, Raymond Ndong Sima, Daniel Ona Ondo, Emmanuel Isozet Ngondet et Julien Nkoghe Bekale étaient tous sans exception plus qualifiés pour occuper la fonction de Premier ministre qu’Ali Bongo ne l’était pour occuper la fonction de président de la République, Chef de l’État.

Le Gabon ne se trouve pas dans la situation dans laquelle il se trouve du fait d’un mauvais choix de Premier ministre.

Le problème du Gabon, c’est Ali Bongo. Le problème du Gabon, ce sont les coups d’État militaro-électoraux de 2009 et 2016 perpétrés par Ali Bongo pour s’installer puis se maintenir au pouvoir contre le vote des Gabonais. Le problème du Gabon, depuis le 24 octobre 2018, c’est l’incapacité d’Ali Bongo à assurer les charges de la fonction de Président de la République et l’imposture qui s’est installée au sommet de l’État depuis cette date.

Plutôt que de s’interroger sur le fait que le Premier ministre soit une femme, la question que chacun se pose est : Qui dirige le Gabon ? Qui a remercié le précédent Premier ministre, en dehors de toute convenance républicaine qui veut que le Chef de l’État s’entretienne en tête-à-tête avec son Premier ministre pour lui signifier qu’il va le remplacer ?

La composition du gouvernement actuel, notamment son effectif et les personnalités qui l’animent, répond-il, selon vous, aux ambitions de l’exécutif de relancer l’économie nationale ?

Vous conviendrez qu’il y a peu de différence entre la composition de ce gouvernement et celle de celui qui l’a précédé. Notamment dans les départements qui seraient principalement sollicités pour relancer l’économie nationale.

Par ailleurs, la relance de l’économie ne se décrète pas à travers la seule nomination du gouvernement, notamment le changement des Ministres des Affaires étrangères et de la Défense.

Sauf à imaginer que la relance de l’économie nationale se fera en rassurant les chancelleries étrangères à travers la nomination au Ministère des Affaires de celui qui en 2016 était Ministre de l’Intérieur, ou en recrutant les jeunes Gabonais de Libreville et Franceville en ignorant le reste du pays.

Donc, selon vous, ce gouvernement est d’emblée voué à l’échec ?

La relance de l’économie suppose une stratégie et un plan opérationnel élaboré avec sérieux par des personnalités qui font autorité. Il suppose la déclinaison de celui-ci à travers une adresse à la Nation de celui qui est supposé en avoir l’initiative. Et enfin, sa déclinaison opérationnelle dans une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Pour l’heure, nous sommes loin de tout cela. Et pour cause.

Ne nous voilons pas la face. Il ne sortira rien de ce gouvernement, pas plus que des trop nombreux gouvernements qui l’ont précédé. Aujourd’hui, nous savons tous quel est le problème de notre pays. Personne, au Gabon comme à l’étranger, ne peut plus le contester. Personne ne le conteste plus d’ailleurs.

Il ne faut guère cesser de le répéter, le problème du Gabon c’est l’incapacité d’Ali Bongo à assurer les charges de la Fonction de président de la République et l’imposture qui s’est installée à la tête du pays. T

ant que cette question n’aura pas été traitée et que le pays ne se sera sorti de ce cauchemar indicible, des Gouvernements fantoches continueront à se succéder les uns à la suite des autres, faisant le bonheur éphémère de ceux pour qui devenir Ministre constitue un objectif de vie ou une nécessité de survie.

Avec Elza Ritchuelle Boukandou, Placide Aubiang Nzeh, Noël Bertrand Boundzanga, Franck Ndjimbi, Nicolas Nguéma, Anges Kevin Nzigou, Marc Ona Essangui, Edgard Owono Ndong et Maxime Minault Zima Ebeyard, au sein du collectif citoyen « Appel à Agir », nous avons fait le choix, depuis le 28 février 2019, de nous concentrer sur l’essentiel : officialiser la Vacance du pouvoir de fait de la Présidence de la République.

Chaque jour qui passe, les faits confirment cette nécessité et les Gabonais dans leur large majorité se posent désormais cette question : Qui dirige le Gabon ? Cette question qui interpelle la conscience de chacun n’a pas vocation à susciter une réponse, elle réclame une solution collective et responsable.

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*Entretien réalisé par la rédaction de Direct Infos

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La Redaction

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