Liquidation de l’Octra : Mais qu’est ce qui bloque ?

DIG/ Entamée il y a 19 ans, la procédure de liquidation de l’Octra n’est toujours pas bouclée, alimentant de nombreux fantasmes chez les anciens cheminots.

Dans un entretien exclusif accordé au quotidien L’Union, le liquidateur désigné par l’Etat, Louis Aleka-Rybert, esquisse les raisons expliquant, ces blocages.

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L’Union : Vous avez été nommé le 21 août 2000  par l’Etat  comme liquidateur de l’ancien Octra. Mais selon plusieurs sources concordantes, le processus de liquidation de l’Octra n’est toujours pas réglé et serait même empêtré dans de nombreuses difficultés. Qu’est-ce qui explique cette situation qui perdure depuis 19 ans ? Où en êtes-vous concrètement avec ce dossier ?

Louis Aleka-Rybert : Conformément à l’article 15 de la loi 11/82 du 23 janvier 1982, j’ai été nommé par ordonnance N°10/2000 du21 Août 2000. Puis cette ordonnance a été ratifiée par la loi N° 2/2001 du 19/04/2001. Du fait de la nature,  de la taille et de la complexité de la structure à liquider, toutes les liquidations ne se ressemblent pas. Une liquidation consiste à  réaliser les actifs pour apurer les dettes laissées  par l’entreprise  en difficulté. Sur la durée, tant qu’il y aura des actifs à réaliser, on ne peut clôturer la procédure de liquidation. Je tiens à rappeler que la liquidation de l’Octra n’est pas la seule à être dans cette situation, les liquidations d’Air Gabon, de la Sonadig, de Codev, de la Banque du Gabon et du Luxembourg (BGL) ne sont toujours pas clôturées. Les praticiens du droit en la matière peuvent vous le confirmer. Ce sont les gros problèmes fonciers qui font parler de la liquidation d’Octra. La liquidation de l’Octra n’est pas une liquidation judiciaire, c’est une liquidation amiable, décidée par l’Etat. A ce titre, un rapport d’activité est fait, chaque année, pour présenter aux autorités ce qui a été fait pendant l’année et ce qui reste à faire. Chaque année ce rapport est soumis à l’appréciation des deux autorités de tutelle à savoir le ministre des Transports et le ministre des Finances. La poursuite des activités de liquidation ne se font pas sans l’aval des deux autorités de tutelle qui représente le gouvernement donc l’Etat. Tous les rapports d’activités depuis le début sont disponibles. Toute  liquidation comporte des difficultés et les choses ne se passent pas toujours comme on veut. C’est la réalité de toute liquidation.

Alors, qu’en est-il précisément du dossier de l’Octra ?

La liquidation  de l’Octra bien qu’étant la liquidation d’une entreprise publique, n’a jamais reçu de subvention budgétaire. Jusqu’à ce jour, la liquidation  de l’Octra n’a rien coûté à l’Etat. Le fonctionnement de la liquidation est rythmé par les encaissements qu’elle peut effectuer. Les procédures pendantes devant les juridictions sont nombreuses. Le décès du directeur de la Cofet (l’opérateur technique pour les questions foncières) il y a trois (3) ans nous a fait perdre plusieurs années de travail. Le domaine privé de l’Octra à Owendo dispose de six (6) titres fonciers de masse. Les morcellements et les cessions ne peuvent se faire en quelques mois.

Certaines mauvaises langues vous accusent de vouloir vous approprier une partie du patrimoine immobilier de l’Octra en procédant à une surévaluation des prix des cessions des terrains. En d’autres termes à de la spéculation foncière. De 3000 francs le m2 à l’origine, le prix des terrains aurait grimpé à près de 80 000 francs le m2 aujourd’hui. Que répondez-vous à ces graves accusations ? Et surtout pourquoi le m2 a-t-il vertigineusement augmenté ?

Dans le cadre d’une procédure de liquidation, le liquidateur ne fait pas ce qu’il veut, son activité est cadrée par des textes, et ce n’est pas qu’un mandataire. Par ailleurs,  le liquidateur est assisté dans sa mission par un Comité de liquidation qui comporte quatre (4) représentants du ministère des Transports et quatre (4) représentants du ministère des Finances. Imaginer un seul instant que le rôle du liquidateur c’est de s’approprier le patrimoine de la structure mise en liquidation, c’est soit faire montre d’ignorance, soit poursuive des desseins inavoués, dans quel but ? Or nul n’est censé ignorer la loi. L’examen de la situation foncière de l’Octra peut  à qui veut le savoir, que Monsieur Louis Aleka-Rybert, le liquidateur, ne possède même pas 1m² carré de terrain bâti ou non, parmi les différents titres fonciers de l’Octra. A quel moment, vais-je alors m’approprier le patrimoine immobilier de l’Octra? Par contre plusieurs membres de l’association des habitants de la cité Octra, plusieurs anciens cheminots, plusieurs anciens responsables administratifs ou politiques, plusieurs personnes morales ou physiques, plusieurs cheminots actuels occupent des parcelles de terrain ou des constructions ont été érigées, sans droits ni titres de propriétés. Certains y exercent des activités commerciales ou perçoivent des loyers. Ces occupations du domaine privé de l’Octra touchent également le domaine public de l’Octra, c’est-à-dire l’emprise ferroviaire réservée à l’exploitation du chemin de fer. Ces parcelles faisant  parties des titres fonciers de l’Octra, ont-ils eu des permis de construire au sens  des articles 34 à 37 de l’ordonnance 06/2012, fixant les règles générales relatives à l’urbanisme ? Le titre foncier est le fondement même du droit à la propriété foncière, du droit à la propriété privé, il est irrévocable, il est imprescriptible et il est inattaquable. Qui sont alors les vrais spéculateurs dans cette affaire ? Qui sont ceux qui se sont réellement approprié le patrimoine foncier de l’Octra ?

On vous écoute….

En 1999, les acquéreurs de logement de fonction, par les anciens cheminots avait un prix d’acquisition qui correspondait à deux choses : la valeur actualisée du coût de la construction, après application du taux de vétusté et le prix du terrain qui avait été consensuellement et exceptionnellement arrêté à trois mille cinq cent francs(3500 francs) le m², après négociation entre l’Etat, la Direction de l’Octra et les syndicats. Ce qui avait été avalisé par le conseil d’Administration de l’Octra. Ce tarif préférentiel n’était destiné qu’aux seuls anciens cheminots, qui voulaient acquérir leurs villas, terrains compris. Tout au plus, ce tarif ne pouvait qu’être étendu qu’aux seuls anciens cheminots, qui n’étaient pas logés. Tout autre acquéreur pouvait l’acheter, mais en tenant compte de son statut et du prix du marché. La Liquidation de l’Octra n’étant pas subventionnée par l’Etat, la vente  était ouverte à tout acquéreur potentiel. Tel était l’esprit du mandat que j’ai reçu. Or, les anciens cheminots veulent amener les cheminots actuels à adhérer à leurs démarches. Ainsi, sur un parc initial de deux cent quatre-vingt-six (286) à vendre, en 1999, à la cité d’Owendo, il faut noter qu’au 31/12/2018, deux soixante-cinq(265) villas avaient été vendues à leurs occupants( aujourd’hui, détenteurs de leurs titresfonciers), vingt-un(21) villas n’ont toujours pas été payées par leurs occupants, car certain espèrent les obtenir gratuitement, alors qu’ils avaient reçu leurs droits comme tous  les autres. Ceux qui ont acheté les terrains nus à cette époque, les revendaient à prix au m², trois(3) à quatre (4) fois plus cher, pour pouvoir engranger des plus-values substantielles. Au regard de la multiplicité des demandes d’acquisition et de la diversité de statut des acquéreurs potentiels, le prix au m² de terrain nu, ne pouvait qu’évoluer pour endiguer le phénomène de la spéculation et pour tenir compte du prix du marché, qui ne peut être stable en matière foncière. La zone d’Owendo étant très sollicitée, depuis un certain temps, a pris beaucoup de valeur, le prix du m² de terrain nu, gravite actuellement autour de quatre-vingt mille (80 000 francs) le m². Aujourd’hui, je dispose d’une décision, signée des deux autorités de tutelle, qui fixe de façon modulée, le prix de vente desdites parcelles, en tenant compte du profil des différents acquéreurs potentiels.

Plusieurs hautes personnalités, qui n’ont rien avoir avec le processus de liquidation des terrains, auraient bénéficié, dit-on, de certaines largesses pour obtenir de grandes parcelles de terrain au détriment des cheminots déflatés. Confirmez-vous ces informations ?

L’ancien Conseiller spécial du Président de la République auprès du Ministre des Transports, qui avait piloté les négociations, dans le cadre du plan social et qui avait fait parti du premier Comité de Liquidation, est vivant, vous le connaissez bien, tout comme le dernier Président du conseil d’Administration de l’Octra. Je n’ai retrouvé nulle part dans les archives, que les terrains nus, étaient aussi exclusivement réservés aux anciens cheminots ou à leurs ayant-causes, et que tout autre acquéreur potentiel en était exclu. A-t-on compris ce qu’est une liquidation ? On ne change pas les règles du jeu pendant le match. Le devenir des titres fonciers de l’Octra ne peut être fixé par les anciens cheminots. Seuls les pouvoirs publics peuvent en décider et donner les nouvelles directives au mandataire que je suis.

Tous ceux qui n’ont pas payé les parcelles qu’ils occupent s’exposent au risque de n’être jamais propriétaire car, en droit foncier, les murs appartiennent au propriétaire du sol. Par rapport à certaines occupations de fait, il n’y a pas eu de largesse, ou on est en situation régulière, ou on ne l’est pas.  La règle c’est l’égalité de traitement des dossiers fonciers dans le strict respect des textes applicables par la liquidation.

Alors, dans ce cas, comment se fait de manière transparente et technique, l’acquisition des terrains ?

La procédure normale de vente de terrain fait intervenir l’acquéreur qui en a fait la demande, la Cofet (l’opérateur technique en matière foncière) et le notaire choisi par l’acquéreur. Faut-il rappeler qu’en droit administratif, le silence ne veut pas dire acceptation, mais plutôt refus. Toute demande qui n’a pas fait l’objet de réponse ne donne aucun droit. Le dossier d’un acquéreur ne peut pas être transmis au notaire, sans au préalable l’établissement du procès-verbal de morcellement par la Cofet. C’est ce procès-verbal qui précise techniquement le plan de bornage et la superficie exacte  de la parcelle. L’acte de vente n’est signé, devant le notaire, qu’après que l’acquéreur ait réglé tous les frais au notaire retenu. Tout versement partiel ne fait que retarder la conclusion de la vente. Les opérations en numéraire sont exclues de la procédure de cession pour faire place à une traçabilité bancaire. Tous ceux qui ont fait des acquisitions foncière ou immobilière, auprès de la liquidation, connaissent bien cette procédure. On a eu plusieurs cas ou la vente est bloqués, des années durant, parce que l’acquéreur n’a pas payé les frais au notaire, ou qu’il est décédé, à ce moment, la vente ne peut être conclue. Où se trouve alors la responsabilité du liquidateur dans tous ces retards causés par l’acquéreur ?

Que comptez-vous faire pour définitivement boucler cette liquidation ?

Aujourd’hui, dans la liquidation de l’Octra, toutes les dettes ne sont pas entièrement payées, il y a encore des recouvrements à faire. Par ailleurs, il y a les questions foncières qui restent à finaliser. Et vous avez bien compris que la cession des terrains se fait en plusieurs étapes, que le seul liquidateur ne peut maîtriser. Ceux des anciens cheminots qui ont acquis leurs villas sont dans la sérénité depuis, car ils ont obtenu ce qu’ils avaient demandé en 1999. Je ne crois pas qu’à l’époque, ils aient demandé à disposer de tous les terrains nus. Si tel était le cas, ils les auraient eu, à l’époque, des titres fonciers établis  en leurs noms, ce avant que je ne sois sommé liquidateur. Dans tous les cas, c’est aux pouvoirs publics qu’il appartient d’en décider.

(Source : L’Union)

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