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Antoine Boo : « La SEEG est dans une situation de crise ! »
 
L’Union : Monsieur le Directeur général, la SEEG se porte très bien, si l’on se fie aux chiffres publiés par la Direction générale  de l’Economie et de la politique fiscale. Mais visiblement, cela ne semble pas vous ravir…
Antoine Boo : La situation telle qu’elle a été écrite dans le journal l’Union reflète la situation en termes de chiffre d’affaires de l’entreprise au premier semestre 2016. Mais elle ne le reflète pas la situation, en termes de dettes et de créances ainsi que de trésorerie. Par exemple, aujourd’hui on des créances très importantes qui n’ont pas été recouvrées par la SEEG et qui mettent l’entreprise en vraie difficulté. Nous avons 45 milliards de francs de dettes reconnues par l’Etat. En plus de ces 45 milliards de francs, l’Etat nous doit aussi sur le crédit de TVA, soit un montant de 20 milliards de francs. Ce qui fait un montant total de 65 milliards de francs. En plus de cette dette, nous avons des créances des particuliers qui s’élèvent à 60 milliards FCFA.
Elle date de combien d’années cette dette importante de l’Etat et des particuliers ?
Elle se situe entre deux à trois ans. Au niveau de l’Etat, il y a eu des accords  pour apurer la dette jusqu’à la fin de l’année 2014. On est sur la dette de 2016, 2015 et une partie 2014. Avant 2014, il y a eu un plan d’apurement de la dette. Ce qui fait que quand on cumule la dette de l’Etat (65 milliards) et celle des particuliers (60 milliards), on est à 125 milliards de francs. C’est pour dire que la SEEG est dans une situation de crise, parce qu’on est dans un contexte économique morose. Cette situation est due au fait que l’Etat et les particuliers ne payent pas en temps et en heure.
Pourtant, vous-dîtes que vous avez conclu une sorte de moratoire de remboursement avec l’Etat …Pourquoi n’est-il pas respecté ?
Au ministère de l’Economie, nous sommes en discussion afin de mettre en place un autre  plan d’apurement de la dette de l’Etat. Aujourd’hui, l’Etat n’a pas repris ses paiements depuis le début de l’année. Il y a eu tout juste  un seul paiement cette année. Nous souhaitons donc que l’Etat reprenne le paiement de ses consommations de façon régulière pour pouvoir rétablir notre situation financière. Cela nous conduit, une fois de plus, dans une situation de crise grave. La SEEG, aujourd’hui, n’a plus d’argent et nous avons atteint nos autorisations de découvert bancaire. On est donc obligé de prendre un certain nombre de mesures conservatoires. Ces mesures conservatoires qui ont été prises aujourd’hui, nous obligent à différer le paiement de nos fournisseurs.
Les grandes sociétés peuvent encore tenir par contre, les petites sociétés ont des difficultés extrêmes et cela les amène à fermer pour certaines. Et malheureusement, nous ne pouvons pas suffisamment les aider, vu que nous n’avons pas assez d’argent en caisse.
La priorité de la SEEG aujourd’hui, c’est de payer nos agents, nos salariés pour éviter une crise sociale. Nous payons donc d’abord nos agents, les achats de gaz pour le fonctionnement de la centrale thermique, le minimum de façon à pouvoir maintenir l’outil de production de l’eau car il faut des produits chimiques. De ce fait, vous constaterez que la SEEG est bien en crise. Si on ne reprend pas nos paiements, la SEEG peut mettre la clé sous la porte. C’est pour cela que je me permettais de sourire sur l’article.
Vous dites, faire faillite, à ce point là ? !
A ce point là ! Oui ! Car nous ne connaissons pas la réaction de nos fournisseurs qu’on ne paye pas. Nous avons suspendu cette année,  nos investissements nouveaux, sachant que la SEEG investit en moyenne 20 milliards de FCFA  par an. Depuis le début de notre contrat, il y a 19 ans, nous avons investi près de 380 milliards de francs. On est obligé d’arrêter les investissements, car on a plus d’argent en caisse.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé qu’ il y aura des remboursements qui seront effectués au niveau des grandes entreprises. Jusque-là, nous attendons de voir ce geste pour nous apporter un souffle nouveau afin que nous puissions investir.
Mais que vous dit-on concrètement au ministère du Budget ?
Nous sommes en contact permanent avec le ministère du Budget et la trésorerie pour savoir à quel moment ils vont reprendre les paiements. Si vous lisez le compte rendu de la réunion du 17 novembre 2016, il y est mentionné que les deux parties (Etat-SEEG) se sont mis d’accord pour un plan d’apurement de la dette, avec un certain nombre d’ordre de virement de façon à reprendre les paiements. Mais jusque-là, cet argent n’a pas encore été perçu par la SEEG.
Au titre des consommations, il faut noter que la SEEG se montre toujours responsable, et nous  n’avons  pas encore suspendu les fournitures d’électricité et d’eau. Nous ne voulons même pas aller jusqu’à ce point.
Cela veut-il dire que si l’Etat n’honore pas ses engagements, vous pourriez être obligé de suspendre la fourniture d’eau et d’électricité dans les administrations publiques ?
Je ne pense pas. La SEEG est une entreprise responsable, de ce fait, elle ne peut pas suspendre la fourniture d’eau et d’électricité dans les bâtiments publics. Mais si cette situation d’impayés perdure, on ne pourra plus assurer la fourniture d’eau et d’électricité 24h/24.  Car il va falloir mettre du combustible qui coûte excessivement cher dans les centrales thermiques. Donc, si on n’a plus la capacité de mettre du combustible dans nos centrales thermiques, elles ne pourront plus tourner comme cela se doit. On fera donc des délestages et les populations seront pénalisées tout comme l’administration. La situation n’est pas durable dans le temps. Par conséquent, nous devons trouver une solution adéquate rapidement.
Cette situation peut-elle perturber les négociations en cours concernant le renouvellement de votre concession avec l’Etat ?
Nous sommes dans  un contexte économique compliqué. Les discussions sur le contrat de concession sont en cours. Toutefois, chaque partie veut faire valoir ses intérêts, ce qui est tout à fait normal. Les choses avancent dans le bon sens, et cela me réjouit. Mais il y a des sujets qui sont importants et qui font partis de l’agenda de nos discussions, notamment le poids de la dette. Comment peut-on continuer, s’il y a un problème au niveau de la dette, sachant que c’est la trésorerie qui nous permet de continuer à fonctionner. C’est effectivement des problèmes de fond. Mais nous discutons aussi avec les autorités sur les capacités de production qui sont inférieures aux besoins de la population. Nous voulons mettre en place une nouvelle usine de production et de traitement d’eau potable qui devrait permettre de satisfaire l’ensemble de la population. Ce sont des projets que nous voulons accélérer.

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La Redaction

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