Affaire Boungoueres : Le test de crédibilité de la « rupture » d’Oligui

DIG / L’incarcération d’Alain Simplice Boungoueres, ancien candidat à l’élection présidentielle d’avril 2025 et Conseiller spécial de Brice Clotaire Oligui Nguéma, marque une étape forte dans la campagne anticorruption lancée par le nouveau régime.

Soupçonné d’avoir perçu des pots-de-vin de sociétés chinoises en échange de marchés publics et de « largesses administratives », il rejoint une série de hauts cadres de l’ancien régime désormais visés par la justice.

L’affaire, instruite par le pôle économique de Libreville, révèle un schéma classique : attribution de contrats sans transparence, transferts vers des comptes offshore, et avantages en nature (voitures, villas).

Ce type de pratiques, répandu sous l’ère Bongo, a contribué à vider les caisses de l’État et à miner la confiance des citoyens et des investisseurs.

Depuis août 2023, le nouveau pouvoir a fait de la lutte contre l’impunité l’un des piliers de sa légitimité. L’arrestation de Boungoueres envoie un signal clair : les symboles du « système déchu » ne seront plus protégés.

Cela rassure aussi les partenaires internationaux — FMI, Banque mondiale, Union européenne — qui conditionnent leur appui à des réformes de gouvernance.

Mais la vraie question demeure : cette justice sera-t-elle équitable ?

À ce jour, aucun proche du régime actuel n’a été inquiété, malgré la poursuite de partenariats opaques avec les mêmes entreprises chinoises.

Les marchés signés depuis 2023 échappent à tout audit public, et les dépenses de prestige (fonds de souveraineté, grands chantiers) continuent d’absorber des dizaines de milliards, au détriment des dépenses sociales.

Le risque est réel : que cette vague anticorruption ne soit perçue que comme un règlement de comptes politique, utile pour effacer le passé, mais impuissante à construire un avenir plus transparent.

Le Gabon a besoin d’une justice indépendante, non d’un outil de légitimation.

Punir les anciens est nécessaire — mais insuffisant. Le véritable tournant viendra le jour où un contrat signé sous Oligui fera l’objet d’une enquête, ou lorsqu’un proche du pouvoir sera mis en cause pour les mêmes faits.

Jusque-là, la « rupture » restera partielle. Et la fracture entre discours et réalité, persistante.

 

 

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La Redaction

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