DIG/ C’est une affaire -on s’en souvient- qui avait fait grand bruit et qui avait valu à son ancien titulaire une mise au banc suivi d’une longue traversée du désert.
Dans un rapport de synthèse publié en 2018 et adressé au président de la République, la Cour des comptes vient de dépoussiérer cette sombre affaire de détournement supposé de 20 milliards de francs au ministère des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures (dénomination à l’époque de ce département ministériel).
Si certains médias se sont empressés d’attribuer ce scandale à l’actuel ministre du Pétrole et des Hydrocarbures, Pascal Houangni Ambouroue, il n’en est rien à l’analyse du rapport. Car les faits remontent 9 ans en arrière et avaient déjà fait les choux gras de la presse en ligne et de plusieurs hebdomadaires satiriques.
En effet, sur fond de fac-similés, l’hebdomadaire « La Griffe » avait été le premier a révélé en 2013 le détournement de 20 milliards de francs CFA au ministère du Pétrole entre 2009 et 2011. Le scandale financier avait pour acteur principal le ministre du Pétrole d’alors, Julien Nkoghé Békalé.
Mais y a t-il eu vraiment détournement de 20 milliards de francs ? D’où provenait cet argent ? A quoi a t-il servi ? A qui était-il destiné ? Qui en était l’ordonnateur ?
La lecture du rapport de la Cour des Comptes (Page 49-52) est assez édifiant pour répondre à ces interrogations.
Direct Infos vous livre in extenso les observations de la Cour des Comptes sur cette affaire, tiré de son rapport de synthèse 2018 adressé au Chef de l’Etat.
Lire le rapport officiel
« Sur saisine de la Commission Nationale de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (CNLCEI), la Juridiction Financière a procédé à l’instruction des faits présumés constitutifs de gestion de fait d’un montant de vingt milliards (20 000 000 000) de francs CFA au Ministère des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures. L’instruction a permis de relever les irrégularités ci-après.
Paragraphe 1 : La constitution irrégulière des « fonds politiques »
Les bonus pétroliers sont des recettes versées à l’Etat par les compagnies pétrolières lors des signatures de contrats. Il ressort de l’instruction de l’affaire que c’est sur la base d’un décret qu’une partie des bonus pétroliers a été affectée à la Présidence de la République. Il s’agit du décret n°00518/PR du 06 août 2002, autorisant l’affectation de 5% des recettes minières et des produits pétroliers à la Présidence de la République pour régler les questions de sécurité intérieure et extérieure.
Cependant, le décret en cause n’a pas été publié et ne comporte pas toutes les signatures habilitées, notamment celle du Ministère des Finances.
Par conséquent, la Cour relève que ledit décret n’est pas conforme aux normes régissant les textes légaux et réglementaires. Par ailleurs, la constitution de fonds politiques ne se fait pas par décret mais par un processus législatif. Ils sont secrets dans la mesure où leur utilisation n’est pas révélée. S’agissant de la sécurité de l’Etat, les fonds y relatifs apparaissent, dans les écritures du Trésor, au compte 4708-10 V : « Fonds de sécurité de l’Etat ». Leur montant a évolué comme suit sur la période allant de 2009 à 2011 :
Le tableau n°2 ci-dessus montre que les fonds de sécurité de l’Etat ont accru de manière substantielle après 2009, avec un taux d’augmentation de 179% entre 2009 et 2010. Au regard des critères ci-dessus définis, les fonds issue des bonus pétroliers réservés à la Présidence de la République ne sont pas des fonds politiques. Il en résulte qu’il s’agit des fonds publics soumis au contrôle de la Juridiction Financière.
Paragraphe 2 : La gestion occulte des recettes minières et des produits pétroliers
Le contrôle de la Cour des comptes a révélé que : – les recettes recouvrées en application des dispositions du décret n°00518/PR du 06 août 2002 incriminé, étaient déposés dans un compte n°81009871011-02 ouvert dans les livres de la BGFI Bank, en violation des dispositions du décret n°15/PR/MINECOFIN du 6 janvier 1976 portant règlement général sur la comptabilité publique qui précise, en son article 21, que « les fonds publics sont obligatoirement déposés au trésor, sauf dérogation autorisées par le Ministre de l’économie et des finances. Ils ne sont pas générateurs d’intérêt et ils sont insaisissables ».
Le Ministre du Pétrole s’est immiscé dans les fonctions de comptable public en gérant ledit compte, en violation des dispositions de l’article 2 alinéa 1 du décret n°00110/PR/MINECOFIN du 23 janvier 1975 aux termes desquelles « les comptables publics ont seuls la garde et la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics.
Ils effectuent le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses et centralisent sous leur responsabilité l’ensemble des opérations financières et la totalités des disponibilités publiques de trésoreries ».
Au terme de son instruction, la Juridiction Financière a déclaré les ministres concernés comptables de fait des sommes en cause ».
Téléchargez la synthèse du rapport 2018 de la Cour des Comptes ( Page 49-52) : RAPPORT_AU_PRESIDENT_DE LA_REPUBLIQUE_2018