La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Ce vendredi 27 juin, le baril de Brent s’échange à 67,5 dollars, tandis que le WTI oscille autour de 65,5 dollars. En une semaine, les prix ont perdu près de dix dollars, effaçant l’élan haussier provoqué par les tensions au Moyen-Orient. Ce recul rappelle une vérité essentielle : sur les marchés pétroliers, les soubresauts géopolitiques n’effacent jamais totalement le poids des fondamentaux.
Une accalmie qui dit beaucoup
Le reflux actuel des cours traduit une réalité plus structurelle qu’on ne veut parfois l’admettre. Malgré les efforts continus de l’OPEP+ pour réguler l’offre, les stocks mondiaux restent abondants, notamment aux États-Unis. Les tensions internationales, certes toujours présentes, ne suffisent plus à soutenir durablement les prix lorsqu’elles ne s’accompagnent pas de risques concrets sur les flux physiques de brut. En parallèle, la demande mondiale de pétrole, si elle demeure soutenue, ne progresse plus aussi rapidement que par le passé. Les dynamiques de transition énergétique, l’électrification des mobilités et les gains d’efficacité énergétique ralentissent mécaniquement la croissance de la consommation.
Loin de s’orienter vers une flambée spéculative, le marché semble plutôt glisser vers une stabilisation dans une fourchette intermédiaire. La perspective d’un baril à 100 dollars paraît désormais plus incertaine. Pour un pays comme le Gabon, cette situation impose de revoir ses réflexes historiques.
Un changement de cap indispensable
Pendant des décennies, les hausses du prix du baril ont surtout permis à l’État gabonais d’entretenir ses lourdeurs : salaires, missions, frais de fonctionnement, dépenses souvent improductives. Les recettes pétrolières ont été absorbées par les besoins du présent, rarement mises au service de l’avenir. Et quand le pétrole ne suffisait plus, on empruntait. Ce modèle est désormais à bout de souffle.
Le président de la République, M. Brice Clotaire Oligui Nguema, semble l’avoir compris. En lançant une cure d’austérité ambitieuse, il envoie un signal fort. Limitation des dépenses publiques non prioritaires, remise à plat des procédures budgétaires, meilleure allocation des ressources : autant d’engagements qui ouvrent la voie à une gouvernance plus responsable. Encore faut-il que cette dynamique s’installe durablement dans les pratiques, au-delà des annonces.
L’opportunité est réelle. Même à 67 dollars le baril, les recettes pétrolières peuvent devenir un puissant levier d’investissement si elles sont dirigées avec rigueur et lucidité. Ce n’est pas le niveau du prix du baril qui fait la prospérité d’un pays producteur, mais l’usage qu’il en fait.
Le meilleur moment ? Maintenant !
« Le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a vingt ans. Le deuxième meilleur moment, c’est maintenant », dit un vieux proverbe en mandarin. Il est temps que les revenus issus de notre sous-sol servent à bâtir ce que nous voyons trop peu en surface : des ressources humaines qualifiées et en bonne santé, des routes durables, une industrie nationale diversifiée… Le baril est peut-être en baisse, mais l’exigence de rigueur, elle, ne doit plus jamais fléchir. Le véritable défi n’est pas de savoir si le pétrole montera à 100 dollars, mais de faire en sorte que chaque dollar encaissé aujourd’hui participe réellement à construire demain ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.