Brut gabonais : Quand l’Asie redessine les contours du marché dans un contexte de surabondance mondiale

La Chronique

de

Jérémie Ayong Nkodjie Obame*

« En ce vendredi 19 septembre 2025, le baril de Brent se négocie autour de 67 dollars, tandis que le WTI se maintient à environ 63 dollars. Ces niveaux traduisent une situation paradoxale : des prix encore soutenus, mais fragilisés par une dynamique mondiale où l’offre progresse plus rapidement que la demande. Après un printemps marqué par une relative fermeté des cours, les signaux actuels confirment un repli ou, à tout le moins, une stagnation. Les inquiétudes liées aux tensions géopolitiques, qu’il s’agisse des sanctions visant la Russie ou des attaques sur certaines de ses infrastructures stratégiques, n’ont pas suffi à inverser une tendance dominée par l’excédent d’offre et la reconstitution des stocks mondiaux.

L’Agence internationale de l’énergie prévoit une hausse de l’offre mondiale de 2,7 millions de barils par jour cette année, issue autant des pays de l’OPEP+ que des producteurs indépendants. Du côté de la demande, la croissance reste modérée, de l’ordre de 0,7 million de barils par jour pour 2025-2026. En clair, si l’appétit mondial pour l’or noir demeure, il ne compense pas le rythme soutenu des mises sur le marché. Le risque d’un excédent structurel, voire durable, d’ici la fin de l’année et en 2026 est désormais évoqué avec insistance par les analystes.

Dans ce contexte global, la trajectoire du Gabon mérite une attention particulière. Le pays exporte désormais près de 75 % de son pétrole brut vers l’Asie. Ce basculement témoigne de la place croissante des économies asiatiques dans l’équilibre énergétique mondial. Pour le Gabon, il s’agit d’une opportunité : la demande asiatique reste soutenue et offre un débouché relativement stable face à l’incertitude des marchés européens ou américains. Mais cette concentration des exportations vers une seule région n’est pas sans risque. Ralentissement économique, volatilité des devises, contraintes logistiques ou virages politiques en matière énergétique pourraient fragiliser ce modèle.

Les enjeux sont clairs. Le Gabon doit non seulement sécuriser ses contrats d’exportation afin de stabiliser ses revenus, mais aussi accélérer les investissements dans le raffinage, les infrastructures et la valorisation locale. De telles orientations permettraient de réduire sa dépendance au brut et de capter une part plus importante de la valeur ajoutée. Dans le même temps, l’affectation des recettes pétrolières reste déterminante : elles doivent servir à renforcer la souveraineté énergétique, préparer la transition vers de nouvelles ressources et financer des projets porteurs pour la société gabonaise.

Ainsi, alors que le marché mondial entre dans une phase de turbulence marquée par la surabondance et la volatilité, le Gabon se trouve à la croisée des chemins. Son ancrage asiatique constitue un atout majeur, mais aussi un pari à haut risque. Pour le gagner, il faudra conjuguer transparence, diversification et anticipation. Sans cela, le courant favorable pourrait rapidement s’inverser ».

  • Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
  • Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
  • En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.

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