La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Chaque semaine, nous analysons les tendances du marché mondial de l’énergie et leur impact potentiel sur le Gabon et les Gabonais.
Ce vendredi 13 juin, les cours du brut se sont envolés en quelques heures, après des frappes israéliennes sur des installations iraniennes, faisant craindre un embrasement durable au Moyen-Orient. Le Brent a franchi dans la nuit les 78 dollars le baril avant de « retomber » à 74 dollars ce matin (contre 66 dollars en fin de semaine dernière). Même chose, à peu de chose près, pour le WTI (78 dollars cette nuit, 73 dollars ce matin contre 64 dollars en fin de semaine dernière).
Le pétrole, baromètre d’un monde sous tension
Une fois encore, les marchés pétroliers réagissent au climat géopolitique tendu dans cette région stratégique. L’Iran figure parmi les dix premiers producteurs de pétrole au monde et, bien que sous sanctions, ses exportations pèsent sur l’équilibre de l’offre mondiale. Une attaque contre ses infrastructures ou un blocage du détroit d’Ormuz suffit à faire trembler les cours.
Dans ce contexte d’incertitude extrême, les opérateurs adoptent une posture défensive, et les spéculateurs s’activent. Le prix du pétrole devient à la fois thermomètre et amplificateur des tensions internationales. Cette volatilité impacte immédiatement les économies productrices comme le Gabon.
Le Gabon, entre recettes budgétaires en hausse et pression sur le pouvoir d’achat des ménages
Pour le Gabon, l’impact est immédiat et double : il touche à la fois les consommateurs et les finances publiques.
D’un côté, les Gabonais risquent de subir directement les hausses des cours mondiaux à travers les prix des carburants, du transport et des denrées de base. Même si l’État maintient un mécanisme de subvention sur les produits pétroliers, la tension sur les prix devrait être palpable et peser sur le pouvoir d’achat.
De l’autre, les recettes de l’État dépendent encore très largement du pétrole, qui représente jusqu’à 60 % des revenus budgétaires. Une hausse soudaine des cours peut donner un peu d’air au Trésor public. Mais l’inverse est également vrai : une baisse brutale peut déséquilibrer les comptes.
La situation internationale actuelle confirme ce que l’on répète inlassablement : fonder son modèle économique sur une matière première aussi volatile est un pari risqué. D’autant que les facteurs qui influencent le cours du brut échappent largement à notre contrôle. Le Gabon est spectateur d’un théâtre mondial dont il subit les secousses.
Les fluctuations du brut peuvent être un atout lorsqu’elles évoluent à la hausse, mais elles deviennent un handicap lorsqu’elles baissent. D’où l’urgence de désensibiliser notre économie à cette instabilité chronique.
Changer de cap : remonter la chaîne de valeur, diversifier l’économie
La solution, nous la connaissons : remonter la chaîne de valeur. Après le bois et le pétrole, c’est désormais le secteur minier — notamment le manganèse — qui est concerné par une stratégie d’interdiction des exportations brutes et de promotion de la transformation locale.
Mais cela ne suffit pas. Il faut diversifier notre économie, miser sur les filières d’avenir (transition énergétique, agriculture durable, numérique, économie circulaire) et capitaliser sur nos avantages comparatifs : notre jeune population, notre position stratégique, notre biodiversité exceptionnelle.
Le pétrole peut encore servir le développement du Gabon. À condition qu’il ne soit plus la seule boussole de notre politique économique. Heureusement, nos dirigeants l’ont compris ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.