Face aux surplus pétroliers mondiaux, le Gabon diversifie sa clientèle

La Chronique

de

Jérémie Ayong Nkodjie Obame*

« Avec un Brent à 69,7 dollars et un WTI à 67,4 dollars ce 26 septembre, les cours du pétrole traduisent une stabilité en trompe-l’œil. L’offre mondiale continue de dépasser la demande, fragilisant les équilibres du marché. Dans ce contexte incertain, le Gabon multiplie les débouchés pour son brut, tout en affrontant les limites techniques de sa production.

En ce vendredi 26 septembre 2025, les cours du pétrole s’affichent à 69,7 dollars le baril pour le Brent et 67,4 dollars pour le WTI. Ces niveaux traduisent une apparente stabilité, mais derrière ces chiffres se joue une dynamique beaucoup plus complexe : un marché mondial tiraillé entre excès d’offre et incertitudes sur la demande, où le moindre choc géopolitique pourrait provoquer des mouvements disproportionnés.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’année 2025 sera marquée par une hausse de l’offre de l’ordre de 2,7 millions de barils par jour, accentuant encore un surplus déjà visible malgré les efforts de régulation de l’OPEP+. Les grandes institutions, comme la Banque mondiale, mettent en garde contre une possible baisse prolongée des prix des matières premières, tandis que les perspectives de consommation restent en retrait, notamment en Chine, où la croissance ne suffit plus à absorber les volumes disponibles. Dans un tel contexte, le pétrole semble évoluer dans une zone de fragilité : les producteurs multiplient les ajustements tandis que les acheteurs disposent d’une palette de choix inédite, redessinant les équilibres de marché.

Pour le Gabon, cette situation mondiale crée à la fois des contraintes et des opportunités. Contraintes d’abord, car la production nationale a reculé de 4,1 % au premier trimestre 2025, tombant à 2,873 millions de tonnes, soit environ 20,97 millions de barils, contre 2,995 millions de tonnes un an plus tôt. Ce recul s’explique par des problèmes techniques persistants affectant compresseurs, pipelines et autres équipements clés, qui ont entraîné une baisse de près de 10 % des volumes exportés. Opportunités ensuite, car malgré ces difficultés, le pays a réussi à diversifier sa clientèle. Cinq nouveaux marchés — l’Espagne, la Belgique, Israël, la Thaïlande et le Portugal — ont intégré le top 10 des destinations du brut gabonais au premier trimestre, avec des progressions spectaculaires, comme celle de l’Espagne qui a bondi de près de 1 910 %. Cette redistribution traduit une volonté claire de réduire la dépendance vis-à-vis de certains partenaires traditionnels et de s’inscrire dans une logique de flexibilité commerciale.

Ce mouvement s’inscrit dans la continuité de la tendance observée la semaine dernière : l’Asie reste un acteur central du marché du brut gabonais, mais de nouveaux relais apparaissent en Europe et au Moyen-Orient, redéfinissant les contours d’un portefeuille exportateur plus équilibré. La stratégie gabonaise, qui consiste à multiplier les débouchés et à saisir les opportunités là où elles se présentent, se heurte toutefois à une limite structurelle : la capacité nationale à produire et à livrer de façon régulière. L’ambition commerciale ne pourra être durable que si elle s’appuie sur une production fiable, soutenue par des infrastructures modernisées et résilientes.

Au final, l’équation est claire. Le marché mondial évolue dans un contexte de surabondance, la demande reste hésitante, et les prix plafonnent sans perspective haussière immédiate. Dans cet environnement, le Gabon ne peut se contenter d’ajouter de nouveaux clients à sa liste. Il doit aussi garantir que son outil de production, encore fragilisé par des contraintes techniques, soit en mesure d’accompagner cette ouverture commerciale. C’est à ce carrefour, entre diversification stratégique et résilience opérationnelle, que se joue l’avenir pétrolier du pays ».

  • Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
  • Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
  • En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.

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