DIG / Doté à sa création en 2012 de 305 millions d’euros (200 milliards FCFA), le Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS) devait être le fer de lance de la diversification économique du Gabon, libérant le pays de sa dépendance au pétrole.
Aujourd’hui, il est à l’agonie.
Selon des documents internes obtenus par Africa Intelligence, la trésorerie du fonds ne représentait fin 2023 que 10 % de son capital initial.
Pire : sur un portefeuille d’actifs évalué à 522 millions d’euros, près de 216 millions sont totalement ou partiellement dépréciés — le signe d’une série de mauvais investissements, souvent motivés par des logiques politiques plutôt que par la rentabilité.
Une gestion opaque sous Ali Bongo
De 2012 à 2019, le FGIS a été dirigé d’une main de fer par Serge Thierry Mickoto Chavagne, beau-frère d’Ali Bongo et proche du puissant directeur de cabinet Maixent Accrombessi. Sous sa houlette, la gouvernance du fonds a été quasi artisanale :
-Aucun audit depuis 2016 ;
-Archives lacunaires ;
-Décisions prises sans contre-expertise ;
Parmi les fiascos les plus coûteux :
-Earthlab, un satellite de surveillance forestière abandonné après deux ans, pour un coût de 3,4 millions d’euros ;
-Tropical Holding, une pisciculture liquidée après un détournement de fonds (perte : 2,4 millions d’euros -près de 1,6 milliard FCFA-) ;
-L’African Music Institute, un projet pharaonique lancé par Ali Bongo, fermé en 2017 après un investissement de 8,7 millions d’euros (5,7 milliards FCFA) dans une structure sans activité réelle.
Le Fonds s’est aussi associé à des figures controversées, comme l’homme d’affaires Yariv Elbaz, avec qui il a injecté 7,6 millions d’euros (près de 5 milliards FCFA) dans des sociétés fantômes (Agriland, InfraPPP) qui n’ont jamais mené le moindre projet.
Tentatives de redressement… et nouvelles dérives
Après la chute de Mickoto Chavagne en 2019, son successeur Akim Daouda a tenté de professionnaliser le FGIS : création d’une direction juridique, comptes certifiés, ouverture à des partenaires privés. Des investissements plus structurants ont vu le jour :
-Barrage de Kinguélé Aval ;
-Projet immobilier de la Baie des Rois ;
-Participation dans Gabon Telecom, BICIG et UGB.
Mais les pressions politiques ont persisté. En 2022, le fonds a été contraint de renflouer la SEEG et de sauver Handling Partner Gabon, sans logique économique. Puis, sous l’impulsion de Noureddin Bongo, il a été transformé en vitrine pro-business du régime affaibli.
Sous Oligui Nguema : sursis ou liquidation ?
Depuis le coup d’État d’août 2023, le FGIS est dans le collimateur du nouveau régime. Auditionné par les services de sécurité, privé de projets, il a perdu toute autonomie.
En octobre 2025, le ministre d’Etat en charge l’Economie, Henri-Claude Oyima a ordonné que tous les dividendes de ses filiales soient versés au Trésor public, et non au fonds lui-même — une mesure qui menace sa solvabilité.
Aujourd’hui, le FGIS doit honorer 41 millions d’euros (27 milliards FCFA) de dettes bancaires, dont 18 millions (près de 12 milliards FCFA) d’ici la fin de l’année.
Sans injection urgente, le risque d’un défaut de paiement est réel.
Le FGIS incarne à lui seul l’échec de la stratégie de diversification du Gabon. Conçu comme un outil de développement, il est devenu un instrument de pouvoir, de récompense politique et de gaspillage.
(Source : Africa Intelligence)



