Gabon : Les majors pétrolières de retour ?

La Chronique

de

Jérémie Ayong Nkodjie Obame*

Les cours du pétrole : entre stabilité fragile et pressions baissières

En cette fin août 2025, le marché pétrolier offre l’image trompeuse d’une accalmie. Le Brent se négocie autour des 67 dollars le baril, le WTI à près de 64 dollars. Mais cette stabilité relative masque de profondes fragilités. L’offre demeure abondante, alimentée par la discipline parfois vacillante de l’OPEP+ et par une production américaine toujours robuste. En face, la demande peine à reprendre de la vigueur, freinée par les incertitudes macroéconomiques et les doutes persistants autour des perspectives de croissance mondiale.

Un marché mondial sous tension

Les grandes banques d’investissement et agences spécialisées convergent désormais vers un diagnostic : le pétrole entre dans une phase de surcapacité latente. Goldman Sachs n’hésite pas à projeter un Brent autour des 50 dollars d’ici 2026, tandis que certains analystes redoutent même un WTI glissant vers les 40 dollars. Cette tendance s’explique par une accumulation attendue des stocks, couplée à une consommation mondiale qui ne croît plus au même rythme qu’hier. Le marché, suspendu à l’issue incertaine des négociations entre Moscou et Kiev, reste aussi tributaire de chocs géopolitiques ponctuels qui, à défaut d’inverser la tendance, peuvent la retarder.

Le Gabon à l’heure d’un possible retour des majors

C’est dans ce contexte international morose que l’actualité gabonaise prend un relief particulier. L’annonce de l’intérêt renouvelé d’ExxonMobil pour l’exploration en eaux profondes au large du Gabon surprend autant qu’elle intrigue. Depuis plusieurs années, la scène pétrolière nationale semblait marquée par le retrait progressif des majors historiques : Shell partie, Total en retrait, laissant la place à une galaxie de juniors et d’indépendants. Voilà qu’un géant américain, fort de sa puissance technologique et financière, envisage de revenir dans le jeu.

Ce signal doit être lu avec attention. Car le Gabon dispose encore de plus de deux milliards de barils de réserves prouvées, et ses réformes réglementaires, couplées à une politique énergétique volontariste, en font une terre d’accueil attractive pour de nouveaux investissements. Le pari des eaux profondes, coûteux mais prometteur, pourrait redonner au pays une position stratégique sur l’échiquier africain.

Opportunité stratégique pour le Gabon

Dans un marché mondial où les prix risquent de fléchir, la capacité du Gabon à attirer un acteur comme ExxonMobil constituerait un atout majeur. Il s’agirait non seulement de diversifier les partenaires, mais aussi de bénéficier d’un transfert de technologie et d’un regain d’activité économique avec des retombées tangibles en termes d’emplois, de formation et de recettes fiscales.

La question n’est donc pas de savoir si les majors reviendront, mais plutôt de mesurer comment ce retour éventuel peut s’inscrire dans une stratégie nationale de long terme. L’équilibre entre indépendants, juniors dynamiques et géants mondiaux pourrait dessiner un nouveau paysage énergétique gabonais, plus solide et plus diversifié.

Entre incertitudes mondiales et espoirs nationaux

Le pétrole reste soumis à des forces contradictoires : surcapacité de l’offre, ralentissement de la demande, tensions géopolitiques. Mais au Gabon, la perspective du retour d’une major comme ExxonMobil introduit une dynamique nouvelle. C’est une opportunité à saisir, à condition de l’intégrer dans une vision claire de développement où l’intérêt national reste la boussole.

Dans un monde énergétique en mutation rapide, le Gabon peut transformer cette conjoncture incertaine en levier stratégique. Encore faut-il que le pays réussisse à conjuguer attractivité internationale et retombées locales. Car c’est bien là que se joue l’avenir : faire de la richesse pétrolière non pas une rente fragile, mais un instrument durable de souveraineté et de prospérité pour la population.

  • Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
  • Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
  • En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.

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