DIG/ D’après les révélations du média Africa Intelligence, le coup d’État du 30 août 2023 contre Ali Bongo suscite des sueurs froides dans les couloirs du ministère de la défense chinois, dirigé par le général Li Shangfu. Il intervient au pire moment pour Pékin.
Après plus d’un an de très discrètes et âpres négociations, la Chine était parvenue fin mai à la conclusion d’un accord inédit avec l’ex-président pour l’installation d’une base navale au Gabon.
La prise de pouvoir du général Brice Clotaire Oligui Nguema vient percuter de plein fouet les desseins de Pékin dans la sous-région.
Si les intentions du général sont encore inconnues quant au projet chinois, son irruption dans le jeu politique vient de facto complexifier l’équation de Pékin.
Selon les informations d’Africa Intelligence, le complexe militaire devait être situé à Port-Gentil, sur la presqu’île de Mandji. Une position particulièrement stratégique pour la Marine de l’Armée populaire de libération (MAPL), qui cherche de longue date à implanter sa première base sur la façade atlantique.
Ce serait par ailleurs la seconde installation chinoise de ce type sur le continent, après celle de Djibouti, dans le golfe d’Aden.
Pékin avait d’abord négocié avec la Guinée équatoriale, mais l’ex-président gabonais et sa ministre de la défense, Félicité Ongouori Ngoubili, avaient offert de meilleures conditions et garanties à l’administration de Xi Jinping.
Le sujet avait été au cœur de la visite officielle d’Ali Bongo, à Pékin, en avril. Lors d’un tête-à-tête, le désormais ex-chef de l’État gabonais avait formalisé son accord oral au projet au président chinois. Depuis le début de l’année, la Chine était entrée en négociations exclusives avec Libreville.
Dans la foulée, le chef de la marine chinoise, l’amiral Jin Dong, s’était rendu sur place, début juin, où il avait rencontré le président gabonais déchu. En amont, une discrète mission militaire de la MAPL avait mené une série de repérages sur le site de Port-Gentil devant accueillir les futures installations militaires chinoises.
A Libreville, le dossier a tout particulièrement été suivi par l’ambassadeur chinois dans le pays, Li Jinjin.
Signe de son inquiétude, la diplomatie chinoise a été l’une des premières à réagir au coup d’État du 30 août. Dans un communiqué du ministère des affaires étrangères, dirigé par Wang Yi, Pékin a appelé les « parties concernées à résoudre pacifiquement leurs différends par le dialogue, à permettre un retour immédiat à l’ordre normal et à garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo ».
Un empressement inhabituel : lors des coups d’État successifs au Sahel, la diplomatie chinoise avait fait preuve de davantage de prudence. Pékin souhaite désormais prendre attache dans les meilleurs délais avec le nouvel homme fort du pays pour évoquer ce projet de base naval à Port-Gentil.
En tant que patron de la Garde républicaine, depuis 2019, Brice Clotaire Oligui Nguema avait lui-même été informé des négociations en cours entre Libreville et Pékin, sans y être pour autant étroitement associé.
Le scénario de l’installation d’une base chinoise sur l’Atlantique préoccupe depuis plus de deux ans l’administration du président américain Joe Biden.
En mars 2022, le patron de l’Africom d’alors, Stephen J. Townsend, s’était alarmé devant la chambre de représentants de voir Pékin s’implanter dans le golfe de Guinée, et ouvrir l’Atlantique-nord à ses navires.
Tous les regards convergeaient à l’époque vers Malabo. Washington avait mené un intense lobbying pour dissuader le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, d’accueillir une base militaire chinoise.
Ébruitées, les négociations entre Pékin et Libreville suscitaient depuis le mois de mai l’inquiétude de Washington et de Paris.
Les deux pays avaient tous deux entamé un plaidoyer auprès d’Ali Bongo pour le convaincre de renoncer à un tel projet. En parallèle des efforts américains, Paris avait dépêché, début juillet, à Libreville, le désormais ancien chef d’état-major de la marine, l’amiral Pierre Vandier, pour rencontrer Ali Bongo. Le sujet a par ailleurs été brièvement évoqué lors de la rencontre entre l’ambassadeur de France à Libreville, Alexis Lamek, et le général Brice Clotaire Oligui Nguema.
(Source : Africa Intelligence)