« La moitié de la dette du Gabon est détenue par la Chine… » (Louis Ndong)

DIG/ Alors que la dette publique du Gabon frôle les 80 % du PIB, l’économiste Louis Ndong appelle, dans un entretien accordé au media d’information panafricaine LSI Africa, à un recentrage stratégique des emprunts vers les partenaires asiatiques, notamment la Chine, qu’il juge plus pragmatiques que les bailleurs traditionnels.

Une position audacieuse, à contre-courant des critiques sur la « dette chinoise », mais qui soulève des questions sur la durabilité du modèle de financement africain.

Lecture

LSI Africa : Le Gabon affiche aujourd’hui une dette publique estimée à 12,8 milliards de dollars, soit environ 80 % du PIB. La Banque mondiale prévoit qu’elle atteindra 86,1 % en 2027, bien au-delà du seuil de convergence de la BEAC (70 %). Comment expliquer une telle dérive, malgré la richesse du pays en ressources naturelles ?

Louis Ndong : Cette dérive s’explique surtout par l’inefficacité des investissements passés. Sous les régimes précédents, de nombreux prêts — notamment ceux du FMI — ont financé des projets qui n’ont jamais vu le jour : le port en eaux profondes, certaines infrastructures stratégiques…

Ces fonds ont souvent été détournés ou mal gérés. Résultat : la dette a gonflé sans créer de richesse durable. C’est pourquoi, malgré ses ressources, le Gabon reste en chantier. Cela dit, je suis confiant : sous la Vᵉ République, des efforts réels sont faits pour épurer la dette et recentrer les dépenses sur des projets productifs.

Fitch et Moody’s ont récemment dégradé la note souveraine du Gabon, évoquant une gouvernance budgétaire laxiste. Quelles conséquences cela a-t-il concrètement ?

Les agences font leur travail, mais elles ne mesurent pas toujours ce qui se passe sur le terrain.

Aujourd’hui, on observe une dynamique tangible : les chantiers relancés, les réformes engagées, la volonté de diversifier l’économie. La crédibilité se construit aussi par l’action — pas seulement par les notes.

La Banque mondiale anticipe une croissance modeste (2,4 %) couplée à des déficits budgétaires supérieurs à 5 % du PIB. Peut-on encore parler de croissance soutenable ?

Oui, car le Gabon est en phase de restructuration profonde. De nouvelles politiques visent à réduire le déficit et à stimuler la production locale.

Les marchés de proximité, l’agro-industrie, le numérique : autant de leviers qui permettront de transformer cette croissance modeste en croissance inclusive.

Plusieurs pays africains sont pris dans un cercle vicieux : emprunts massifs pour des infrastructures peu productives. Est-ce un problème de modèle, de dépendance… ou d’absence de stratégie ?

C’est avant tout un défaut de stratégie. On ne peut pas continuer à emprunter sans capacité de remboursement.

L’aide publique au développement, telle qu’elle a été conçue par les Occidentaux, a souvent servi à alimenter la dette sans créer de valeur. C’est une forme d’asphyxie économique. Aujourd’hui, il faut repenser nos partenariats.

Et c’est là que la Chine entre en jeu.

La Chine détient désormais plus de la moitié de la dette gabonaise. Cette dépendance est-elle un risque… ou une opportunité ?

La Chine est un partenaire stratégique, pas un prédateur. Regardez ce qu’elle a construit en Afrique : routes, hôpitaux, centrales électriques… Elle investit là où d’autres ne font que conditionner.

Je ne vois donc aucun mal à ce que la moitié de notre dette soit détenue par la Chine.

Au contraire : elle est plus pragmatique, plus respectueuse de notre souveraineté, et pourrait même offrir des conditions plus favorables à long terme.

Quelles solutions concrètes pour sortir de la spirale de l’endettement ?

Il ne faut pas rêver de « rupture » : tous les pays sont endettés, même les États-Unis. L’important, c’est de gérer la dette intelligemment. Cela passe par : Une croissance soutenue et inclusive ; le renforcement du contenu local ;  et une diversification des sources de financement — partenariats public-privé, obligations vertes, etc.

L’objectif n’est pas de ne plus emprunter, mais d’emprunter pour produire, non pour consommer.

 

apropos de l auteur

La Redaction

Laisser un commentaire