La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Chaque vendredi, nous faisons un point sur les évolutions du marché du pétrole à l’international et ses conséquences sur le Gabon et les Gabonais.
Cette semaine, le baril est descendu d’un cran, perdant de 3 à 5 dollars par rapport à la semaine précédente. Ce vendredi, le Brent tourne autour de 62 dollars et le WTI de 59 dollars.
Le climat reste cependant peu ou prou le même, avec des perspectives moroses sur l’économie mondiale et, en arrière-fond, la guerre commerciale menée par les États-Unis à ses partenaires.
À ces considérations économico-émotionnelles pourraient s’ajouter des raisons structurelles. La perspective d’un accord entre Washington et Téhéran (même si les pourparlers ont pour l’heure été ajournés) fait « craindre » le retour sur le marché de quelque 3,5 millions de barils/jour, ce qui aurait un effet déflationniste sur les prix.
En outre, l’Arabie saoudite, leader de facto de l’OPEP+, a indiqué qu’elle n’était pas disposée à soutenir les prix du pétrole avec de nouvelles réductions de l’offre, revenant ainsi sur sa position des années précédentes. Ce qui laisse présager, de la part de l’OPEP+, des augmentations de production en juin pour le deuxième mois consécutif.
Si Riyad est passé d’un objectif de « stabilité du marché » à une véritable offensive sur les parts de marché, comme le disent les analystes, c’est en raison, d’une part, de sa volonté de pénaliser les pays qui, de son point de vue, ne jouent pas le jeu sur les quotas (Irak et Kazakhstan notamment), mais aussi – on y revient – en prévision d’un éventuel accord sur le nucléaire iranien entre Téhéran et Washington, qui pourrait induire moins de sanctions américaines et permettre un retour massif de barils iraniens sur le marché pétrolier.
Or, Riyad n’entend pas, par sa politique de raréfaction, faire une fleur à Téhéran, son grand rival dans la région.
Au Gabon, une fois n’est pas coutume, les débats dans les milieux pétroliers ont davantage porté ces derniers jours non pas sur l’amont, mais sur l’aval. Le management de la Société gabonaise de raffinage (Sogara) vient de présenter son programme d’expansion au ministre du Pétrole, Marcel Abéké. Objectif : rendre le Gabon autosuffisant en carburant d’ici 2030, grâce à un investissement de 40 milliards FCFA.
La Sogara entend tripler sa capacité de raffinage – de 900 000 tonnes aujourd’hui – pour la porter à 2,772 millions de tonnes par an, en modernisant son usine de Port-Gentil et en construisant une nouvelle sur un site de 130 ha en bordure de l’Ogooué-Maritime.
Cette initiative doit être saluée. Unique raffinerie du pays, la Sogara traite moins de 10 % de la production annuelle de produits pétroliers (de l’ordre de 10,9 millions de tonnes par an). En 2023, le pays a importé l’équivalent de près de 655 milliards FCFA afin de satisfaire la demande nationale.
Raffiner 100 % (ou presque) de la demande domestique en produits pétroliers est donc pertinent, non seulement d’un point de vue économique, mais aussi financier. Et, cerise sur le gâteau, cela participe pleinement à l’objectif de souveraineté assigné par les autorités ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME, est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.