La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« La flambée des cours du pétrole, stimulée par le dernier train de sanctions européennes contre la Russie, rebat les cartes du marché mondial de l’énergie. Elle place le Gabon face à une alternative : profiter de cette manne pour accélérer sa mutation économique ou s’enliser davantage dans une dépendance dangereuse à la rente pétrolière.
Le 18 juillet, l’Union européenne a adopté son dix-huitième paquet de sanctions visant Moscou. Le plafond du prix du brut russe a été abaissé à environ 47,60 dollars le baril, soit 15 % en dessous du prix moyen, et plusieurs navires, ainsi que des institutions financières jugées complices du contournement des sanctions, ont été blacklistés. Ces mesures ont provoqué un regain de tension sur les marchés : ce vendredi 18 juillet, le baril de Brent a progressé de 0,75 % pour atteindre près de 70 dollars (68 dollars pour le WTI), enregistrant un quatrième rebond hebdomadaire.
Pour le Gabon, cette dynamique est une double lame. D’un côté, elle nourrit un excédent commercial entretenu depuis 1996 par l’or noir. De l’autre, elle met en lumière une vulnérabilité structurelle. La Banque mondiale le rappelle sans détour : croissance du PIB atone, richesse par habitant en recul, dépendance persistante à un modèle extractif dont les limites sont désormais criantes. Même si le pays bénéficie d’atouts appréciables à l’instar d’un taux d’accès à l’électricité élevé à l’échelle régionale, la baisse progressive de sa production pétrolière on‑ et offshore et l’absence de diversification économique accentuent sa fragilité face aux chocs extérieurs.
Il est donc urgent de rompre avec ce réflexe rentier. L’actuelle hausse des cours offre une fenêtre de tir unique pour engager les réformes structurelles indispensables. La transparence dans la gestion des revenus, la modernisation des infrastructures, le soutien à l’innovation et à des secteurs non extractifs sont autant de leviers pour bâtir une économie plus résiliente et souveraine. Faute d’action, le Gabon risque de subir, une fois encore, la loi implacable des cycles pétroliers.
Les soubresauts géopolitiques ne doivent pas être perçus comme une simple aubaine, mais comme un signal d’alarme. Le temps est venu pour le Gabon de transformer sa rente pétrolière en un moteur de développement durable et équilibré. L’histoire récente nous enseigne que ceux qui restent passifs face aux opportunités finissent par en payer le prix fort. Fort heureusement, c’est le volontarisme qui anime les nouvelles autorités. Il y a donc matière à espérer ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.