La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
» Les marchés pétroliers reprennent leur souffle après plusieurs semaines de hausse. Ce vendredi 5 septembre 2025, le Brent s’échange autour de 66,5 dollars et le WTI avoisine les 63 dollars, en léger recul. Cette inflexion illustre le climat d’attente qui domine avant la réunion de l’OPEP+, où doit se décider un éventuel relèvement des quotas de production. En arrière-plan, les stocks américains repartent à la hausse et la demande peine à confirmer son redémarrage. Le risque d’un nouvel excédent plane, même si les tensions géopolitiques au Moyen-Orient continuent de jouer un rôle de pare-feu sur les cours.
Dans ce contexte, le marché mondial reste traversé par une double dynamique. D’un côté, l’abondance de l’offre, alimentée par les discussions sur la levée des coupes de production et par la progression des réserves américaines. De l’autre, la persistance de facteurs d’incertitude, qu’il s’agisse des sanctions énergétiques qui pèsent encore sur la Russie ou des menaces iraniennes de fermeture du détroit d’Hormuz. Cette confrontation entre surproduction et instabilité géopolitique entretient un marché volatile, difficile à anticiper et lourd de conséquences pour les pays exportateurs.
Pour le Gabon, l’enjeu est particulièrement sensible. La Banque mondiale prévoit une croissance modeste, limitée à 2,4 % entre 2025 et 2027, en raison du frein que constitue la dépendance pétrolière. En 2024, les pertes de recettes ont été sévères : 241 milliards de FCFA envolés, un manque à gagner qui met en évidence la fragilité structurelle de l’économie nationale face aux soubresauts des marchés mondiaux.
Dans ces conditions, la stratégie à adopter doit conjuguer plusieurs priorités. La première est de continuer d’attirer des partenaires internationaux. Le retour des majors, dont certains signaux commencent à apparaître, pourrait redonner souffle à l’industrie nationale et relancer l’investissement dans un secteur qui a besoin de capitaux, de technologies et d’expertise. Mais cette relance ne peut suffire à elle seule. Elle doit s’accompagner d’un effort plus large de diversification, afin que les chocs pétroliers ne condamnent plus le pays à l’instabilité budgétaire. Mines, forêts, agriculture : les relais existent, encore faut-il les développer dans une logique d’intégration et de création de valeur locale. Enfin, la gouvernance des revenus doit être renforcée. La transparence, la discipline financière et une meilleure allocation des ressources sont indispensables pour transformer la rente en moteur de développement durable.
L’équation est délicate mais incontournable. Face à un marché mondial qui oscille entre excédent et tensions géopolitiques, le Gabon ne peut rester spectateur. L’heure est venue d’inventer une nouvelle trajectoire : accueillir à nouveau les majors, certes, mais aussi bâtir une économie moins vulnérable et plus résiliente. L’avenir du pays ne doit pas se jouer uniquement au gré des fluctuations du baril, mais dans la capacité à transformer cette dépendance en levier de modernisation et de souveraineté économique ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.



