La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Ce vendredi 12 septembre 2025, le Brent s’échange autour de 67,5 dollars le baril et le WTI avoisine 63,5 dollars. Ces niveaux traduisent une certaine stabilisation, après plusieurs semaines marquées par des tensions sur l’offre et des incertitudes persistantes sur la demande mondiale. Le marché n’est pas en surchauffe, mais il reste suspendu aux soubresauts de la géopolitique et aux politiques économiques des grandes puissances.
Les sanctions renforcées contre le pétrole russe en sont l’illustration la plus récente. En abaissant le plafond de prix imposé aux exportations de Moscou, les pays du G7 cherchent à réduire les revenus de la Russie. Mais dans les faits, la « flotte fantôme » mise en place pour contourner ces restrictions démontre combien il est difficile d’endiguer un commerce aussi stratégique. Cette opacité logistique accroît les risques juridiques et réputationnels, sans effacer la pression sur les cours. Dans le même temps, la demande mondiale reste fragile : la Chine ralentit, les États-Unis ajustent leurs équilibres internes, l’Europe accélère sa transition énergétique. L’OPEP+, elle, continue de maintenir une discipline stricte qui limite les excédents. Tout cela nourrit un marché tendu, mais encore incertain.
Dans ce contexte international chahuté, le Gabon tente d’écrire une nouvelle page de son histoire pétrolière. La Banque mondiale prévoit pour le pays une croissance modeste de 2 à 2,4 % entre 2025 et 2027, freinée par une dépendance trop forte à l’or noir. Les autorités en sont conscientes et multiplient les signaux d’une volonté d’assainissement. Un récent conflit social, qui avait menacé de paralyser le secteur, a été désamorcé par un accord. Le ministre du Pétrole a par ailleurs dénoncé avec fermeté les dérives liées à la sous-traitance, synonyme de précarité pour de nombreux travailleurs. Dans le même temps, une campagne d’exploration en eaux profondes a été lancée pour diversifier la production et attirer de nouveaux investisseurs.
Cette conjonction de réformes, de tensions sociales et de perspectives de croissance faible impose une double exigence. D’un côté, le Gabon doit veiller à ce que son secteur pétrolier ne se résume pas à une rente captée par quelques-uns, mais qu’il irrigue l’ensemble de l’économie et bénéficie directement aux populations. De l’autre, il lui faut bâtir un climat de confiance et de transparence, sans lequel aucun investisseur sérieux n’acceptera de s’engager durablement.
Le défi est immense, mais l’opportunité est réelle. Dans un monde où le pétrole demeure une ressource stratégique mais contestée, un pays comme le Gabon peut tirer son épingle du jeu à condition d’anticiper plutôt que de subir. C’est en érigeant la gouvernance, la diversification et la justice sociale en piliers de sa stratégie que Libreville pourra transformer ses ressources naturelles en moteur de prospérité durable, même lorsque les vents contraires viendront souffler sur le marché mondial ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.



