La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Chaque semaine, nous analysons les tendances du marché mondial de l’énergie et leur impact potentiel sur le Gabon et les Gabonais.
Les cours du pétrole restent solides
Vendredi 6 juin, le baril de Brent (livraison août) se stabilisait autour de 65 $, tandis que le WTI (juillet) oscillait autour de 63 $. Cette fermeté relative des cours tient à un facteur-clé : l’entretien téléphonique d’environ 1 h 30 entre Donald Trump et Xi Jinping, qualifié de « très positif » par la Maison-Blanche. En calmant temporairement le bras de fer sino-américain, ces pourparlers rassurent les marchés sur la demande mondiale de pétrole. La Chine, premier importateur d’or noir, reste le baromètre du secteur énergétique.
Le manganèse, nouveau levier de souveraineté
Sur le plan national, une annonce majeure a retenu l’attention : le chef de l’État, SEM Brice Clotaire Oligui Nguema, a décidé d’interdire les exportations de manganèse à compter du 1er janvier 2029. Objectif : bâtir une industrie locale capable de transformer l’intégralité de la production minière nationale. Aujourd’hui, seuls 17 % du manganèse produit par Eramet sont valorisés dans notre pays, auxquels s’ajoutent 6 % traités par d’autres filiales à l’étranger. Pour relever ce défi, le Gabon doit investir massivement dans des unités de raffinage et sécuriser l’approvisionnement en composants minéraux indispensables, qui ne sont pas encore fabriqués localement.
En outre, notre pays devra renforcer la gouvernance minière pour attirer les investisseurs : un cadre réglementaire transparent et stable est impératif. Le gouvernement devra préciser les conditions d’octroi des licences, adopter des normes environnementales strictes et offrir une fiscalité incitative aux futurs opérateurs.
De même, pour ne pas rester un simple exportateur de matières premières brutes, le Gabon doit développer dès maintenant des compétences en ingénierie, en R&D et en formation. Des partenariats publics-privés avec des universités, des centres de recherche et des équipementiers internationaux sont indispensables pour accélérer le transfert de savoir-faire.
Enfin, l’échéance 2029 impose une course contre la montre : attirer les capitaux, bâtir les unités de raffinage, former des techniciens spécialisés et moderniser les infrastructures logistiques (routes, chemin de fer, port d’Owendo). Cette feuille de route suppose une coordination étroite entre ministères, entreprises publiques et acteurs privés.
Difficultés et opportunités
On le voit, les défis sont nombreux et ardus pour certains. Mais le jeu en vaut la chandelle. Si le Président Oligui Nguema parvient à concrétiser ce projet, le Gabon en récoltera des bénéfices considérables : hausse significative des recettes fiscales ; création d’emplois qualifiés dans des régions délaissées ; et renforcement du poids diplomatique à l’échelle internationale (les mines étant au cœur des deux grandes tendances mondiales : l’électrification de l’économie et la transition énergétique, particulièrement gourmande en métaux). Surtout, en réduisant sa dépendance au pétrole, qui demeurera une ressource majeure à court-moyen terme, le Gabon solidifiera son modèle économique et placera sa croissance dans une trajectoire plus résiliente.
Le compte à rebours est lancé : d’ici 2029, il faudra transformer cette ambition en réalité pour faire du secteur minier un pilier de souveraineté économique et de prospérité durable. Toutes les compétences doivent être mobilisées. Pas une minute à perdre ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME, est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.