DIG / La récente intégration de la Taxe Forfaitaire d’Habitation (TFH) dans les factures mensuelles d’électricité émises par la SEEG marque un tournant dans la politique fiscale du Gabon.
En remplaçant un système déclaratif largement inappliqué par un prélèvement à la source incontournable, l’État affirme clairement sa priorité : sécuriser ses recettes, quitte à instrumentaliser un service de première nécessité.
Une progressivité au bénéfice des apparences
Officiellement, la TFH se veut socialement graduelle. Les habitants des quartiers populaires (Nzeng-Ayong, PK 5-12, Akébé, etc.) – classés en zone 4 – ne paient que 1 000 FCFA/mois, un montant symbolique conçu pour éviter toute contestation sociale immédiate.
Mais la réalité est plus contrastée : la zone 3 (Charbonnages, Louis, Okala) voit sa facture bondir à 10 000 FCFA/mois, un effort disproportionné pour une classe moyenne souvent déjà fragilisée.
Quant aux zones 1 et 2 (Sablière, Batterie IV), elles assument la charge principale avec 20 000 à 30 000 FCFA/mois, devenant ainsi le pilier financier du dispositif.
La SEEG, bras armé involontaire de l’État
En liant la taxe au compteur d’électricité, le gouvernement garantit un taux de recouvrement proche de 100 %. Mais cette astuce administrative transforme la SEEG — déjà critiquée pour ses coupures intempestives et son service défaillant — en percepteur fiscal malgré elle.
Surtout, elle soulève une question juridique et éthique majeure : peut-on priver un ménage d’électricité parce qu’il n’a pas payé une taxe locale ? Rien, à ce jour, ne distingue clairement la part « énergie » de la part « impôt » sur la facture.
Un gain pour l’État, un poids pour les ménages
Techniquement, la manœuvre est efficace : le coût de collecte de l’impôt est quasi nul, et les recettes deviennent prévisibles pour les collectivités.
Mais pour les foyers des zones 2 et 3, la facture annuelle grimpe de 120 000 à 360 000 FCFA — une inflation masquée imposée sans contrepartie tangible en matière de services urbains (propreté, voirie, sécurité).
En somme, cette réforme illustre une logique de rationalité budgétaire au détriment d’une légitimité sociale.
Elle soulève une interrogation fondamentale : quand l’impôt devient une obligation sans dialogue, peut-il encore être perçu comme juste ?



