Par Edgard MFOUBA
• Banquier – Fondateur du cabinet de modélisation économique GABAO Stratégie & Conseil
« Dans les institutions publiques et paraétatiques gabonaises, la fonction de Directeur Général Adjoint (DGA) souffre d’un mal chronique : celui de l’inexistence fonctionnelle. Pourtant prévue dans les textes, cette position stratégique semble avoir été réduite à une simple case administrative, vidée de sa substance et souvent vécue comme un pur alibi de gouvernance.
Le DGA est supposé être un pilier, un second souffle dans la direction de l’entreprise, un relais, un soutien, parfois même une force de proposition. Mais sur le terrain, il n’est trop souvent ni écouté, ni consulté, ni impliqué. En réalité, il rase les murs, surveille son silence, mesure ses gestes. Il devient un cadre payé à rester dans l’ombre. Sans voix ni pouvoir décisionnel.
Le paradoxe est cruel : l’Etat le nomme, mais ne lui donne pas les moyens d’agir. L’organigramme est là, mais le pouvoir est centralisé par le DG. Le DGA devient un « bras cassé », une pièce qu’on tolère plus qu’on utilise. Il est perçu par beaucoup comme un élément décoratif ou, pire, un espion envoyé par une autorité de tutelle. Son existence devient un compromis politique ou une récompense administrative sans rôle réel.
Ceux qui ont du caractère, de l’ambition, ou un sens aigu du devoir, finissent par craquer : conflits larvés, ruptures ouvertes, désaveux publics, démissions silencieuses. D’autres, résignés, mangent leur salaire, évitent les vagues, et s’effacent dans l’indifférence générale. Le cas récent de l’Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire (AGASA) illustre parfaitement cette réalité.
Comment construire un Etat efficace si l’on ignore ou marginalise systématiquement les seconds rôles ? Le DGA ne doit pas être un décor. Il doit être un acteur, un éclaireur, un partenaire du changement. Sa présence devrait renforcer la collégialité, garantir la continuité, prévenir les abus.
Il est temps de revaloriser la fonction de DGA, de lui redonner clarté, utilité et respect. Cela passe par :
– Une définition claire des attributions dans les décrets de nomination
– Une implication réelle dans les décisions stratégiques
– Un droit de proposition et de veto clairement encadré
– Une évaluation indépendante de ses performances.
Dans une République en reconstruction, il faut réhabiliter les seconds rôles. Ce sont eux qui garantissent l’équilibre, la relève, et parfois, la survie de nos institutions ».