Par Edgard MFOUBA
Entrepreneur, Expert en modélisation économique de projets
» La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) désigne l’intégration volontaire par les entreprises des préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités commerciales et leurs interactions avec les parties prenantes. Elle englobe leurs efforts pour agir de manière éthique et contribuer au développement économique tout en améliorant la qualité de vie des travailleurs et de leurs familles ainsi que des communautés locales et de la société en général.
Alors que les initiatives RSE de grandes entreprises gabonaises comme Comilog, Sobraga, et Perenco, etc. aient apporté des bénéfices significatifs aux communautés locales au Gabon, l’absence d’un cadre réglementaire strict et d’une surveillance adéquate par les pouvoirs publics soulève des préoccupations importantes. Sans une régulation efficace, ces initiatives échappent souvent au contrôle des autorités régulatrices, ce qui peut entraîner des incohérences avec les politiques de développement national et les besoins réels des populations.
Les projets RSE, bien qu’intentionnés, peuvent parfois entrer en conflit avec les plans de développement local ou même empiéter sur les domaines régaliens de l’Etat, comme l’éducation et la santé, sans coordination préalable ou accord formel des autorités compétentes. Cette situation peut mener à des contradictions où, par exemple, les infrastructures construites ne correspondent pas aux priorités ou aux nécessités des communautés concernées. De plus, sans une implication directe des populations locales dans la planification et l’exécution de ces projets, il existe un risque que les initiatives soient perçues comme imposées plutôt que comme répondant véritablement aux attentes des bénéficiaires, les rendant inopérantes.
C’est aussi face aux déséquilibres territoriaux entre les zones bénéficiant d’interventions RSE par des opérateurs économiques et celles qui en sont dépourvues que le Ministre des PME du précédent gouvernement, M. Yves Fernand Manfoumbi, a initié la mise en place d’une stratégie nationale de RSE visant à développer une politique rendant la pratique de la RSE plus conforme, équitable et régulée à travers le pays. L’objectif était d’harmoniser les efforts de RSE pour garantir que tous les secteurs et régions bénéficient équitablement des programmes de développement local, évitant ainsi les inégalités et maximisant l’impact positif de ces actions sur l’ensemble du territoire national.
Cette réforme harmonieuse et inclusive envisagée autour des composantes visant à renforcer la gouvernance, l’équité, et la durabilité dans les pratiques des entreprises opérant dans le pays s’est articulée autour de six composantes clés :
La confection d’une loi d’orientation sur la RSE :
Un pilier crucial déjà élaborée et actuellement en cours de validation au secrétariat général du gouvernement. Cette loi formalise le cadre législatif de la RSE au Gabon, offrant un fondement juridique solide pour toutes les initiatives et assurant l’alignement des pratiques des entreprises avec les objectifs de développement durable du pays.
La création d’un observatoire national de la RSE :
Cet organe central aura pour mission de surveiller, coordonner et promouvoir les initiatives de RSE à travers le pays. En agissant comme régulateur et facilitateur, l’Observatoire garantira que les entreprises adhèrent aux normes de RSE et partagent les meilleures pratiques, améliorant ainsi la gouvernance d’entreprise et créant un environnement commercial plus transparent et éthique.
La mise en place d’un fonds national de la RSE :
Ce fonds dédié apportera un soutien financier aux initiatives de RSE, surtout dans les régions moins développées, permettant ainsi de réduire les inégalités régionales et de promouvoir l’équité sociale. Il servira de catalyseur pour équilibrer le développement entre les zones urbaines et rurales, finançant des projets qui améliorent les conditions de vie et protègent l’environnement.
La rédaction d’une charte nationale de la RSE :
Cette charte établira les engagements et les attentes en matière de RSE pour toutes les entreprises opérant au Gabon. En souscrivant à ces principes, les entreprises s’engageront à adopter des pratiques durables et éthiques, soutenant ainsi l’engagement du Gabon envers le développement durable.
La promotion des certifications et labels RSE :
Par la reconnaissance et la récompense des entreprises qui surpassent les normes de RSE, le Gabon encouragera une compétition positive vers l’excellence en responsabilité sociale et environnementale. Cela stimulera l’innovation et améliorera la compétitivité du Gabon sur le marché mondial.
La publication des rapports annuels :
L’exigence de rapports annuels sur les activités de RSE augmentera la transparence des opérations des entreprises et permettra une évaluation plus précise de l’impact de ces politiques. Cela contribuera à une plus grande confiance des populations et à une meilleure réputation des entreprises.
Au regard de ces avancées et dans le sillage du coup de la libération du CTRI, il est impératif de ne pas reléguer aux oubliettes cette réforme significative d’un processus de développement important. La finalisation de cette stratégie nationale de la RSE ne doit pas seulement être une obligation morale envers les générations futures, mais également comme une nécessité économique pressante pour nos terroirs. Le Gabon se trouve à un tournant décisif où la continuation et l’achèvement de cette politique pourraient définir la trajectoire de notre développement durable pour les années à venir ».