« L’effondrement des cours du pétrole conforte le Gabon dans sa politique de diversification »
Par Gonzalo Salinas
Département Afrique du FMI
La plongée des cours pétrole depuis la mi-2014 montre que le choix fait par le Gabon de diversifier son économie, actuellement trop dépendante du secteur pétrolier, se justifie plus que jamais, concluent les services du FMI.
À l’issue du bilan de santé périodique du Gabon, les services du FMI ont ajouté que le choc pétrolier souligne combien il est important de rééquilibrer les finances publiques et d’accélérer les réformes structurelles afin de promouvoir la croissance du secteur non pétrolier.
Les projections du rapport pointent un ralentissement de la croissance à 4½ % en 2015, contre 5,1 % en 2014 (estimation), assorti de risques baissiers considérables. Les perspectives de croissance pour l’année en cours se sont assombries en raison de coupes sombres dans les dépenses publiques en 2014 et du choc pétrolier, mais pourraient s’améliorer par la suite pour s’établir aux alentours de 5,7 % en moyenne sur les cinq années suivantes, sous l’impulsion des investissements publics ainsi que des recettes des ressources naturelles autres que le pétrole et des services. De nouveaux projets dans l’agro-industrie, le secteur minier et l’industrie de traitement du bois contribueraient à l’élan de la croissance des secteurs non pétroliers.
Bien que les perspectives de croissance à moyen terme restent robustes, le récent effondrement des cours du pétrole est un défi majeur. Depuis le troisième trimestre de 2014, les cours internationaux ont chuté de moitié et rien ne permet de tabler à moyen terme sur un retour à 100 dollars le baril (graphique 1). Pour un pays comme le Gabon, traditionnellement dépendant du pétrole qui lui fournit plus de la moitié de ses recettes publiques et les quatre cinquièmes de ses recettes d’exportation, cette chute est alarmante.
L’effondrement des cours pétroliers est d’autant plus grave que le gouvernement a lancé il y a cinq ans un ambitieux programme économique — le Plan stratégique Gabon émergent — visant à transformer le Gabon en un pays émergent diversifié à l’horizon 2025. Le financement de ce plan reposait notamment sur le principe que le prix du pétrole resterait élevé.
Des efforts validés
Ce qui semble être la nouvelle donne sur le marché mondial du pétrole valide les efforts déployés par les autorités ces dernières années afin de rendre le Gabon moins tributaire de la manne pétrolière. Le plan stratégique, qui constitue la pierre angulaire de la politique gouvernementale, a pour objectifs la diversification de l’économie, la saine gestion des ressources naturelles et l’amélioration des indicateurs sociaux, grâce à une croissance plus inclusive et créatrice d’emplois.
Le plan stratégique est largement approprié, souligne le rapport du FMI, car il repose sur deux piliers principaux — développement et amélioration de la qualité des infrastructures, et hausse de la qualité du capital humain — et s’attaque donc à deux des entraves qui restreignent la croissance économique.
La mise en œuvre du plan de développement a sensiblement progressé depuis son lancement en 2010. Au moyen de la manne pétrolière engrangée durant les années où les cours étaient élevés, les pouvoirs publics ont considérablement amélioré les infrastructures de transport et énergétiques, et ont établi des coentreprises avec des sociétés étrangères dans les secteurs non pétroliers à forte valeur ajoutée, principalement la transformation des ressources naturelles.
Cependant, les faiblesses marquées de la gestion des finances publiques suscitent des inquiétudes au sujet de l’efficience des investissements publics et donc de leur coût budgétaire. L’impact de la réalisation du plan sur les finances publiques est également préoccupant, car les autorités ont cherché à attirer les investisseurs étrangers au moyen d’exonérations fiscales.
Réglage de précision
Ainsi, sur fond de baisse sensible des recettes pétrolières, un réglage de précision est nécessaire pour promouvoir plus efficacement les investissements dans les autres secteurs. La multiplication des exonérations d’impôt érode l’assiette fiscale et affaiblit considérablement la viabilité des finances publiques. Les études comparatives d’autres pays montrent que la plupart des investisseurs tiennent surtout à ce que les infrastructures soient fiables et le système juridique prévisible.
Il importe donc de mettre l’accent sur les réformes structurelles propres à réduire le coût des intrants et à stimuler la productivité. Cela inclut l’amélioration du climat des affaires, des infrastructures matérielles et de la qualité de l’enseignement technique. La concentration des efforts sur ces domaines, ainsi que la poursuite de l’amélioration de la gestion des finances publiques et de la qualité des investissements sont donc essentielles pour assurer la viabilité budgétaire et la réussite du plan de développement.
Il sera particulièrement difficile d’assurer la viabilité des finances publiques, car l’augmentation massive des dépenses publiques au cours de la période 2010–13, essentiellement pour les investissements publics, avait déjà gravement pesé sur les comptes publics, avant la récente plongée des cours du pétrole.
L’expansion rapide des dépenses d’équipement a été financée par un accroissement considérable de la dette publique, qui est passée d’environ 16 % du PIB en 2011 à environ 28 % du PIB en 2013, une forte accumulation d’arriérés de paiements intérieurs et d’arriérés d’impôts au titre de la TVA, et une diminution rapide des dépôts auprès de la banque centrale en 2014.
Pressées de rembourser un montant élevé d’arriérés intérieurs, les autorités ont pris conscience de la gravité de la situation budgétaire et ont rectifié comme il convenait le budget de 2014 afin de ramener le programme d’investissements à un niveau plus gérable.
Révision des prévisions budgétaires
Sur cette toile de fond, l’objectif majeur des autorités est de préserver les infrastructures et les dépenses sociales tout en évitant une escalade rapide de la dette publique et des arriérés. De ce fait, elles comptent soumettre au parlement un projet de budget révisé pour 2015, sur la base d’hypothèses prudentes concernant les cours du pétrole. Pour équilibrer les comptes, elles prévoient une réduction des dépenses courantes, de biens, services et subventions, notamment.
Cela dit, d’autres ajustements seront sans doute nécessaires à moyen terme (graphique 2). Il faudrait principalement restreindre la hausse des dépenses courantes, en particulier de la masse salariale en rapide augmentation, et supprimer progressivement les subventions pétrolières coûteuses, inefficaces et inéquitables. Il faudrait aussi élargir l’assiette fiscale non pétrolière, notamment en réduisant les exonérations fiscales et en améliorant l’administration des impôts et taxes.
Les autorités ont conscience de la nécessité de ces réformes et ont récemment annoncé leur décision d’adopter une des mesures les plus importantes pour assurer la viabilité des finances publiques : la suppression progressive des subventions sur l’essence et le gazole. Une attitude décisive afin de veiller à la viabilité des finances publiques devrait garantir la réussite de leurs plans.