DIG/ Exilé politique depuis près de 8 ans, l’homme d’affaires Franck Ping salue l’intervention patriotique des militaires gabonais qui a permis, selon lui, de libérer le Gabon des affres des sombres années du président déchu Ali Bongo Ondimba.
Dans cet entretien exclusif accordé à la rédaction de Direct Infos Gabon, il évoque les grandes attentes du peuple gabonais vis-à vis du CTRI dirigé par le Général Brice Clotaire Oligui Nguéma, son éventuel retour au pays et sa contribution personnelle au renouveau économique du pays. Lecture.
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Direct Infos Gabon : Vous représentez désormais le clan Ping. Quelle est votre réaction face à la prise de pouvoir des militaires Gabonais ?
Franck Ping : Je continuerai de marteler que la démocratie a pour principale variable la tenue d’un scrutin libre et éminemment transparent. Depuis 2009, et à travers les trois élections qui ont appelé les Gabonais aux urnes, la voix et le choix du peuple gabonais ont été continuellement piétinés par les ambitions d’un clan prêt à commettre tous les délits pour se maintenir au pouvoir. Truquer, tricher, torturer, voici ce que nous avons subi ces dernières années de la part d’un Président qui a positionné ses intérêts avant ceux des citoyennes et citoyens gabonais.
À titre personnelle, ma famille et moi-même en savons quelque chose. Nous ne trahirons jamais la mémoire de ceux qui ont perdu la vie, ou de ceux incarcérés parce qu’ils ont manifesté le désir du changement, ou de se battre à nos côtés.
Il est chose permise que d’être épris de démocratie et de tous les paradigmes qui en découlent, il est permis d’être un apôtre du dialogue, un partisan de justice, hérault de Paix et de liberté, mais il faut être raisonnable un instant.
J’affirme sans aucune réserve que ce coup d’état est certainement le plus « légitime et censé » que l’Afrique ait connu. Ce dernier ne doit être comparé à aucun autre tant les préjudices que le peuple gabonais a enduré furent longs, lourds et suffoquant. Le président que les Gabonais ont choisi en 2009, en 20016 et il y a quelques jours n’est pas celui qui a effectivement dirigé le Gabon depuis lors.
Las de croire à la tenue d’un scrutin transparent, il appartenait à l’armée le pouvoir de paver le chemin de la paix dans notre pays. Le peuple s’y est essayé en 2016, vous souvenez vous du sang versé dans les rues ?
En toute circonstance, je salue l’acte salvateur des forces armées gabonaises qui sous la direction du Général Brice Oligui Nguema a permis de mettre fin à une des plus infâmes dictature d’Afrique.
DIG: Comment devrait, s’articuler, selon vous, cette période de transition ?
Franck Ping : Je pense que le CTRI est totalement apte à définir les contours de la transition et à les appliquer après la consultation de la société civile dans son ensemble.
La chute du pouvoir Bongo doit avoir la même résonance qu’une révolution populaire, le même écho que la prise de la Bastille ou la fin de l’apartheid. Le principal dessein sera de conduire cette période transitoire jusqu’à la tenue d’un scrutin qui se voudrait pour la première fois réellement libre et transparent. « Rendre le pouvoir aux civils » !! J’ai apprécié la formule du Président de la transition et le symbole qui se loge dans cette phrase.
La voix du peuple a depuis toujours été avilie, et l’idée de restituer aux Gabonais ce qui leur appartient en premier lieu doit être palpable dès la pose des premières pierres de ce renouveau national.
Ce sont des défis conséquents, de lourds chantiers que ce gouvernement transitoire va devoir entreprendre. En effet, avant eux rien n’a été entrepris pour positionner le Gabon et les Gabonais à l’abri du besoin.
Il va falloir soulager et éloigner les populations de la pauvreté que le clan Bongo a laissé s’installer dans notre pays. En effet, un tiers de la population de 2,3 millions d’habitants vit avec moins de 5,50 dollars par jour. Cette tendance doit être inversée.
DIG: Avez-vous déjà établi des contacts avec les nouvelles autorités gabonaises ?
Franck Ping : Je n’ai pas eu encore d’échanges avec les nouveaux responsables de notre pays car comme tout un chacun, je m’informe en temps réel des actualités du Gabon, et je sais donc les autorités libératrices particulièrement prises par la complexité et l’envergure des défis.
Le Gabon vient de renaître sous nos yeux. Le 30 août dernier notre pays est né dans nos mains. Il est désormais nécessaire d’accompagner son éclosion. Des réformes conçues afin d’améliorer rapidement le quotidien des Gabonais vont être entreprises, et cela requiert de la concentration et du travail.
Les affres du passé ne doivent pas se répéter et les premières mesures adoptées par le gouvernement de transition vont dans ce sens. Je félicite particulièrement certaines nominations à des postes vitaux. (Qui de plus compétent que Mays Mouissi pour tenir l’économie gabonaise par exemple).
DIG : Après plus de 7 ans d’exil, songez-vous à rentrer au pays ?
Franck Ping : La levée des sanctions iniques et infâmes qui pèsent contre ma personne effective, je rentrerai dès lors dans mon pays. Le pouvoir m’a éloigné de mon pays et des miens durant 8 longues années. J’ai l’impression que cela a duré, toute une vie et je ne souhaite ce ressenti à personne. Le cauchemar que notre pays a vécu sous le règne d’Ali Bongo a pris fin.
J’ai cruellement souffert de cet éloignement et laissez-moi vous dire que je n’y suis pas encore totalement habitué. Ces dernières années notre pays était dirigé par la politique du vide. C’est un homme déconnecté de la réalité de ses semblables, et très loin du quotidien des gabonais qui faisait semblant de tenir les rennes.
La seule chose qui a tenu au moment où près de 40 % des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté, c’est l’avidité et la cupidité de ceux dont le rôle était de représenter les intérêts du peuple Gabonais.
DIG : Avec votre carnet d’adresse, quelle peut-être votre contribution à la relance de l’économie gabonaise ?
Franck Ping : Ces huit dernières années, j’ai eu l’opportunité de mener à bien de nombreux projets dans le secteur énergétique, et plus particulièrement la mise en place du modèle économique intitulé « l’électricité pour tous ». Je suis à la disposition de mon pays, et ce sans condition.
Je mettrai à contribution tous mes réseaux, toute mon énergie, tout mon savoir-faire afin que notre pays comble les retards qu’il accuse tant du point de vue social qu’économique. À ce sujet, je suis prêt à apporter mon expertise en matière de développement de projets structurants, et à lever des financements dans les secteurs clés de l’énergie et de l’eau.
Nous en avons développé de très nombreux au cours de ces huit années d’exil, et ce dans de nombreux pays d’Afrique. En tant que fils du Gabon, ce serait un honneur que de pouvoir réaliser de pareils projets dans mon pays.
DIG : Quel devrait-être, selon vous, les actions prioritaires à mettre en place par les nouvelles autorités ?
Franck Ping : Le temps du Gabon est arrivé. Nous avons désormais la possibilité de pleinement prendre part à l’écriture de notre destinée. Allons-nous décider de rester ce petit pays riche uniquement de ressources, mais sans aucune perspective d’avenir, ou alors un modèle de croissance et de développement sur un continent en pleine marche ?
Un train de réformes est nécessaire et je crois bien que le gouvernement de transition l’a bien compris. Les actions prioritaires que ce gouvernement se doit d’entreprendre concernent tous les défis que le régime déchu a partiellement ignoré durant 14 années de règne.
L’éducation, la santé et le chômage sont les chantiers de premier ordre auxquels il va falloir répondre. Et à tous ceux qui pensent qu’une période de transition ne permettrait guère (dans la durée) d’engager un train de réformes suffisant, je tiens à préciser qu’ils se trompent. En effet, Des solutions à court termes existent pour permettre au gouvernement d’engager un renouveau économique et social. Le Gabon a largement de quoi répondre aux besoins de première nécessité des populations. L’assainissement des finances publiques est un prérequis absolu.
Le Gabon est le pays d’Afrique subsaharienne qui consacre le moins de ressources au développement de son système éducatif (2,7 %) du PIB.
Dans le domaine de l’éducation, il est primordial d’augmenter la part des dépenses allouées à l’enseignement primaire et secondaire, tout en améliorant sa qualité ainsi que l’accès au collège dans les zones mal desservies.
En matière de protection sociale, il reviendra aux autorités de mieux cibler les services non contributifs pour avoir un plus grand impact sur la réduction de la pauvreté.
Dans le secteur de la santé, réorienter les dépenses au profit des soins préventifs dispensés dans les établissements de soins primaires et secondaires, pour améliorer le traitement les patients et les résultats en matière de santé publique.
Le secteur privé est miné par le manque de compétitivité, les obstacles à l’investissement et par la prédominance du secteur public au sein de l’économie.
Un environnement des affaires plus favorable, avec notamment un cadre réglementaire porteur et une législation sur les investissements améliorés, contribuerait à stimuler l’entrepreneuriat et à attirer les investissements directs étrangers.
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