« La Cour constitutionnelle voudrait, avant de rendre publique la décision n°022/CC du 30 avril 2018 par elle prise au regard de la situation résultant de la non organisation, dans les délais impartis par la Constitution, de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, remonter quelque peu l’horloge du temps pour mieux cerner le problème et en tirer toutes les conséquences de droit.
Il vous souviendra que le référendum organisé en 1995 avait prorogé de six mois le mandat des députés à l’Assemblée nationale de la première législature après la Conférence nationale de mars-avril 1990.
Cette prorogation fixait la fin de ce mandat au 20 mai 1996. L’élection en vue du renouvellement des députés à l’Assemblée nationale n’ayant pu être organisée à l’expiration de ce délai, la Cour constitutionnelle saisie par le Président de République avait constaté la vacance de l’Assemblée nationale, alors unique chambre du Parlement, jusqu’à l’organisation de ladite élection, le 15 décembre 1996.
Au lendemain de l’élection présidentielle d’août 2016, les contingences économiques de l’époque ne permettant pas l’organisation de l’élection des députés à l’Assemblée nationale dans les délais constitutionnels requis, la Cour constitutionnelle, saisie par le Premier ministre le 10 novembre 2016, avait ordonné par décision daté du 22 novembre 2016 le report de l’élection au 27 juillet 2017, soit huit mois plus tard.
A la suite du dialogue politique qui s’est tenu à Angondjé en avril-mai 2017 entre les acteurs politiques de la majorité, ceux de l’opposition ainsi que des représentants de la société civile, lequel dialogue avait abouti à des accords devant être traduits en normes juridiques, le Premier ministre avait de nouveau saisi la Cour constitutionnelle qui, par décision en date du 11 juillets 2017, avait une seconde fois reporté l’organisation de l’élection des députés à l’Assemblée nationale au plus tard à la fin du mois d’avril 2018.
Alors que le dialogue politique s’est achevé en mai 2017, il a fallu attendre la fin du mois de janvier 2018, soit sept mois, pour voir aboutir le processus normatif relatif aux élections et ce, par voie d’ordonnance.
Portant, ce n’est pas faute pour la Cour constitutionnelle d’avoir attiré, à maintes reprises, l’attention des autorités à qui appartiennent l’initiative de la loi, sur le péril que faisaient courir aux institutions constitutionnelles les lenteurs observées dans la mise en œuvre des réformes arrêtées par le dialogue politique.
C’est ainsi que dans le discours que la Cour constitutionnelle avait délivré à l’occasion de son audience solennelle de rentrée, elle avait ou faire œuvre utile en rappelant et en expliquant les positions de l’article 4 in fine de la Constitution, à savoir que la prérogative particulière dont elle jouit de maintenir en fonction, en cas de force majeur dûment constatée, les membres d’une institution dont le mandat a expiré, n’autorise par la Haute juridiction constitutionnelle à se substituer au peuple souverain en laissant les membres de l’institution concernée demeurer en fonction sur des périodes qui pourraient s’assimiler à la durée normale d’un mandat.
Force est de constater que le gouvernement n’a pas pu accomplir les missions qui lui sont dévolues, notamment la révision de la liste électorale, depuis 2017, et la mise en place du Centre gabonaises des élections, depuis 2017, et la mise en place si c’est seulement au cours des douze derniers jours qui ont précédé la date butoir fixée par la Cour constitutionnelle pour l’organisation de l’élection des députés à l’assemblée nationale, que l’on a noté un léger frémissement avec la Constitution du Bureau du centre gabonais des élections.
Hélas ! Cette Constitution tardive du bureau du centre gabonais des élections ne peut couvrir le fait que l’élection n’a pas pu être organisée dans les délais impartis par la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 4 in fine de la constitution, pour la simple raison que les institutions en charge de ces questions n’ont pas assumé leurs missions avec responsabilité et rigueur.
Comme à son habitude, la Cour constitutionnelle, gardienne juridique de la Constitution et organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoir public ne peut que tirer, dans la décision qui va suivre, les conséquences de droit découlant de ces faits regrettables, tout en voulant compter sur les institutions et administrations compétentes afin que plus jamais pareille situation ne se reproduise à l’avenir. »
Le président de la Cour constitutionnelle, Marie Madeleine Mborantsuo