Mesures d’austérité : Les 4 vérités d’Alain Bâ Oumar

DIG/ Réduction du train de vie de l’Etat, gel des recrutements à la Fonction publique, remboursement de la dette intérieure dans le cadre du Club de Libreville, hausse des taxes appliquées sur certains produits d’importation, dans une interview exclusive parue le 26 juillet 2018 dans le quotidien L’Union, le président de la Confédération patronale gabonaise (CPG) s’est montré plutôt critique sur la méthode et les résultats escomptés par l’Exécutif. Morceaux choisis.

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Depuis l’annonce des mesures de réduction du train de vie de l’Etat, la CPG s’est montrée plutôt silencieuse à l’inverse des politiques, des syndicats des travailleurs et des membres de la société civile. Comment le patronat apprécie t-il ces réformes adoptées par l’exécutif  ?

Alain Bâ Oumar : Les opinions des politiques, syndicats de travailleurs et membres de la société civile que vous évoquez divergent non pas sur la nécessité de réduire le train de vie de l’Etat, mais sur la manière de le faire.

Les choix opérés par le gouvernement pour atteindre cet objectif noble étant par nature politiques, ils engendrent aujourd’hui un débat politique auquel ne souhaite pas participer notre institution.

La CPG, comme tous les acteurs précités, ne peut en revanche qu’apprécier la décision du gouvernement de réduire enfin son train de vie en espérant que les économies réalisées financeront l’investissement publique générateur de richesses pour nos entreprises, le remboursement de la dette intérieure, le financement de la juste contribution attendue de l’Etat à la CNAMGS et à la CNSS, et toute les autres dépenses publiques difficilement assurées aujourd’hui.

Avec le gel pendant 3 ans des recrutements dans la fonction publique, le secteur privé se trouve plus que jamais comme le principal employeur du pays. La CPG peut-elle absorber cette masse importante des demandeurs d’emplois ?

Cette période compliquée doit nous faire prendre conscience que ce sont les entreprises qui créent la richesse, pas le gouvernement qui récolte une partie de cette richesse sous forme d’impôts et de taxes pour payer les fonctionnaires, financer le déploiement des infrastructures dont le pays a besoin, assurer la sécurité des personnes et des biens et remplir toutes ses autres missions régaliennes.

Il faut donc donner au secteur privé toute sa place en prenant la peine de l’écouter, et en l’encourageant à créer davantage d’emplois par un Code du Travail plus flexible, l’apurement de la dette intérieure, une meilleure maîtrise de la parafiscalité et de l’informel, la sécurisation juridique de nos investissements, et de manière générale l’optimisation du Climat des Affaires pas seulement pour gagner des points dans le Doing Business de la Banque Mondiale, mais aussi et surtout pour optimiser la création des richesses par nos entreprises.

Au delà de la CPG, c’est tout le secteur privé y compris notamment les PME qui doit être davantage encouragé à créer les emplois qui nous manquent, non pas tant pour embaucher les fonctionnaires qui seront éventuellement déflatés comme vous le dites, mais pour donner surtout une chance à tous ces jeunes en quête d’un premier emploi et qui ont du mal à le trouver.

Dans le cadre de l’apurement de la dette intérieure au profit des PME au sein du Club de Libreville, la ministre de la Promotion des Investissements, Madelaine Berre avait indiqué récemment que les entreprises sont payées par tranche de 5 milliards de francs. Confirmez-vous ces informations et surtout êtes-vous satisfaits de ce mode d’apurement de la dette intérieure ?

Ne disposant pas d’informations précises sur le détail des décaissements et opérations de rachat de créances effectués à ce jour au profit de nos adhérents dans le cadre de ce dispositif, nous ne sommes pas en mesure d’en apprécier objectivement l’efficacité.

Dans la Loi de Finances Rectificative 2018, le gouvernement a décidé de revoir à la hausse les droits d’accises, autrement dit la taxe appliquée sur les boissons alcoolisées d’importation (bières, vin, alcools…) mais aussi d’adopter une nouvelle taxe appelée  « Taxe spécifique ». Cette double imposition ne va-t-elle pas fragiliser les activités des entreprises membres du Sympex ? La CPG s’est-elle opposée à cette nouvelle pression fiscale ?

Nous pouvons comprendre que certaines taxes, sur les boissons alcoolisées notamment, peuvent permettre à l’Etat de renflouer ses caisses tout en s’attaquant à des problèmes de santé publique. Sauf que les droits d’assises comme vous le dites existaient déjà et viennent d’être simplement augmentés avec un impact immédiat sur la rentabilité de certains importateurs mais aussi producteurs locaux.

Mais que dire de cette volonté dans le même texte d’imposer à un forestier, un minier ou encore un pétrolier, qui bénéficie par ailleurs de clauses de stabilité fiscales dans les conventions qui le lie à l’Etat, de financer le fonctionnement de l’AGEOS ? Que dire d’augmenter de 5% le prix des services de téléphonie mobile qui ne sont plus à considérer comme un produit de luxe dans notre pays, où chaque habitant a en moyenne plus d’un téléphone? Pour quel service en retour et au profit de quelle entreprise?

La CPG est particulièrement sensible à la prolifération de taxes votées discrètement, qui sont en fait des mauvaises réponses à un vrai problème : la raréfaction des ressources de l’Etat. Appauvrir encore plus des entreprises déjà en difficulté ne peut les encourager à investir davantage et créer de la richesse.

C’est d’autant plus frustrant que nos entreprises subissent cette pression fiscale pendant qu’elles observent le développement d’un secteur informel concurrent qui y échappe complètement. En revanche, réduire le train de vie de l’Etat pour retrouver les marges de Trésorerie nécessaires au financement adéquat d’un certain nombre de services publiques sans avoir à recourir à ce type de parafiscalité est la bonne réponse que nous commençons à percevoir.

Nous espérons donc qu’avec le retour progressif de la santé financière de l’Etat, ce type de parafiscalité injustifiée va être progressivement abrogé, et que la CPG pourra jouer un rôle dans la gouvernance du futur Office des Recettes pour justement veiller à la bonne régulation de la pression fiscale.

( Source : L’Union )

 

 

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