Mort mystérieuse des poissons de l’Ogooué : Les 2 hypothèses du Cenarest

Résultats préliminaires des études scientifiques du Cenarest *

« Différentes sources, y compris les nombreux témoignages des populations riveraines ont rapporté des cas de poissons morts par centaines dans la zone comprise entre Lambaréné et Ndjolé le long de l’Ogooué.

Dans cette zone, en effet, des centaines de cadavres de poissons étaient visibles à perte de vue. Faisant suite au rapport de Guy Philippe SOUNGUET, Gestionnaire du site Ramsar Bas-Ogooué, le Gouvernement de la République par la voix du Ministre en charge de l’Agriculture a communiqué de manière très pertinente et pris des mesures conservatoires (interdiction de la pêche dans la zone et invitation des populations à s’abstenir de consommer les cadavres de poissons) en attendant que les scientifiques lui apportent des réponses qui puissent expliquer de manière précise la cause de la mort de ces poissons.

Conformément à ses missions régaliennes, le Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CENAREST) s’est saisi du dossier et a mobilisé les chercheurs du Laboratoire d’Hydrobiologie et d’Ichtyologie de l’IRAF, qui se sont donc rendus sur place pour effectuer des prélèvements. Ils sont revenus à Libreville avec des données (cadavres de poissons et eau) qu’ils sont donc en train d’étudier.

En l’état actuel des investigations, le rapport préliminaire des experts du CENAREST permet d’exclure quatre causes potentielles :

L’hypothèse d’une pollution chimique au sens de la législation gabonaise ne semble pas valide. Contrairement aux ragots rapportés sur les réseaux sociaux, il n’y a aucune donnée permettant d’orienter les investigations dans cette direction.

La dystrophisation définie par Mc Intyre et Holmes (1971) comme un déséquilibre provoqué par les apports anthropiques d’un excès de Phosphates et d’Azote avec pour conséquence, la minéralisation de la matière organique en excès s’accompagnant d’une surconsommation de l’oxygène dissous au détriment de la faune et de la flore, ne peut pas non plus être une piste viable au vu de l’étendue spatiale du phénomène.

La piste d’une infestation parasitaire massive des poissons est aussi écartée au regard des quantités au demeurant importante de poissons morts et de la diversité des origines spatiales des sites où l’évènement a été observé.
4° Aucun changement de végétation aquatique n’a été observé ou signalé ni par les scientifiques ni par les habitants, ce qui exclut cette piste à priori.

D’un point strictement scientifique, les résultats préliminaires des investigations des chercheurs du CENAREST ne permettent pas d’identifier l’origine de la mort massive de ces poissons. Toutefois, un fait curieux a attiré leur attention: ce ne sont que les cadavres de tilapias et seulement les tilapias (appelés « carpes » au Gabon) qui sont visibles.

A ce jour et sous réserve de données non encore documentées, aucune autre espèce de poisson n’est concernée et aucun autre élément de la faune non plus. C’est pourquoi, les chercheurs du CENAREST privilégient deux hypothèse de travail:

HYPOTHÈSE 1 : Une origine virale. L’origine de la mort de ces poissons pourrait être une maladie virale spécifique aux tilapias causée par le virus TiLV (Tilapi Lake Virus). Cette hypothèse est très probable au regard des cas similaires relevés dans le monde. Le TiLV (ou virus du lac Tilapia) est un agent infectieux émergent qui a récemment été identifié chez des tilapias malades sur trois continents. Des publications scientifiques ont signalé la présence de TiLV dans des échantillons prélevés en Colombie, en Équateur, en Égypte, en Israël et en Thaïlande. Bien que le lien entre le TiLV et les épidémies en Israël et en Thaïlande soit bien documenté, des investigations supplémentaires sont en cours pour déterminer l’importance du TiLV dans les autres pays. Israël et la province chinoise de Taiwan ont notifié le TiLV en tant que maladie émergente à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Des études ont montré que les populations infectées par le TiLV présentent des niveaux variables de morbidité et de mortalité. 

HYPOTHÈSE 2 : Un empoisonnement alimentaire par une micro algue toxique. On sait que l’alimentation des tilapias comprend aussi et surtout des micro algues. On peut donc supposer qu’une micro algue se soit développée dans la zone et que cette micro algue a pu être consommée par les tilapias, qui en sont donc morts. Ce poison ne tuerait que les tilapias et pas les autres poissons pour des raisons que l’étude devra révéler, si cette hypothèse est vérifiée.

Aussi, dans la perspective de mieux cerner le problème, il nous paraît judicieux d’approfondir les recherches sur le terrain et en laboratoires. Dans un premier temps, des équipes de chercheurs vont se succéder sur le terrain à la fois sur l’Ogooué, les Lacs et toutes les rivières qui se jettent dans l’Ogooué entre Lambaréné et Ndjolé. Au cours de ces missions de terrain, toutes les données nécessaires à l’étude vont être collectées (poissons, algues, herbes, eaux, etc.). Partant de ce que le plateau technique du CENAREST est totalement insuffisant, le deuxième temps va consister en une mission internationale des chercheurs, en France et en Norvège auprès des partenaires que nous avons identifiés et qui disposent des équipements de haute performance. C’est cette sollicitation que nous avons exprimée à notre hiérarchie afin de mobiliser les financements nécessaires à cette démarche « .

*Par le Professeur Daniel Franck IDIATA

Commissaire Général du CENAREST

 

 

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La Redaction

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