Pétrole au Gabon : « Comment défendre notre souveraineté sans renoncer à notre attractivité »

La Chronique

de

Jérémie Ayong Nkodjie Obame*

« Chaque vendredi, nous faisons un point sur les évolutions du marché du pétrole à l’international et leurs conséquences sur le Gabon et les Gabonais.

Cette semaine, le baril de Brent est de nouveau orienté à la hausse, oscillant entre 68 dollars au plus haut et 65 dollars au plus bas, pour se stabiliser ce vendredi 25 avril autour de 67 dollars (63 dollars pour le WTI).

Mais ce regain de forme pourrait n’être que temporaire. La majorité des facteurs, qu’ils soient conjoncturels ou structurels, sont baissiers. Il y a naturellement la guerre des tarifs douaniers menée par les États-Unis qui, malgré une légère détente, pourrait reprendre et peser sur la croissance mondiale, entraînant ainsi une baisse de la demande de pétrole.

Il y a aussi, à plus court terme, l’éventuel accord avec Téhéran, qui pourrait entraîner un assouplissement des sanctions américaines sur le pétrole iranien — ce qui libérerait davantage de barils sur le marché et impacterait négativement les cours.

Il y a enfin le fait que plusieurs membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) ont suggéré d’augmenter leur production plus que prévue en juin. C’est le cas, en particulier, du Kazakhstan, dont la position est orthogonale à celle de l’Arabie saoudite, la main forte de l’organisation, ce qui pourrait laisser entrevoir une guerre des prix.

Toutes ces considérations ont un impact majeur sur le Gabon, les prix du pétrole — dont le pays est un important producteur — étant fixés à l’international.

L’actualité pétrolière au Gabon a cependant été marquée par l’annonce spectaculaire de la découverte, par BW Energy, dans le champ offshore Bourdon (licence Dussafu), d’un potentiel estimé à 56 millions de barils de pétrole, dont environ 25 millions sont considérés comme récupérables.

Mais dans les milieux pétroliers gabonais, c’est un autre débat qui agite les intervenants : l’obligation faite aux groupes pétroliers étrangers opérant en Afrique centrale de transférer leurs fonds dédiés à la restauration des sites de production, une fois la phase d’exploitation achevée, à la Banque centrale de la CEMAC inquiète. Une mesure motivée, non par des raisons écologiques ou économiques, mais financières. Il s’agit pour les pays de la sous-région de faire face à l’érosion de leurs réserves de change.

Ces fonds, estimés entre 3 000 et 6 000 milliards de francs CFA, sont actuellement détenus dans des banques étrangères mais doivent être transférés à la Banque centrale le 1er mai.

Cette décision est un acte de souveraineté. Pour la première fois, la région tente de reprendre le contrôle d’un levier stratégique longtemps externalisé : la gestion des ressources issues de l’extraction pétrolière. Elle doit donc être saluée.

Mais il faut, dans le même temps, tenir compte de l’impact sur notre attractivité. Car une telle décision, si elle n’est pas concertée, risque de freiner les investissements et donc, à terme, de réduire les recettes que les États retirent de l’exploitation pétrolière.

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de recouvrer notre souveraineté sur un secteur aussi stratégique. Mais la vraie question est : comment la mettre en œuvre de manière crédible et pragmatique, non idéologique et dogmatique ?

Défendre notre souveraineté sans renoncer à notre attractivité, c’est ça, la clé. C’est ce sur quoi nous devons collectivement travailler ».

  • Jérémie AYONG NKODJIE OBAME, est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
  • Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
  • En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.

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