La Chronique
de
Jérémie Ayong Nkodjie Obame*
« Les marchés pétroliers traversent une zone de turbulences où stabilité rime avec incertitude. Ce vendredi, le Brent s’échangeait à 68,8 $ le baril, tandis que le WTI pointait à 66,7 $. Entre perspectives économiques moroses et interrogations sur les tarifs douaniers, les investisseurs semblent suspendus aux décisions des grands acteurs. Et dans ce concert, le Gabon entend faire entendre sa propre voix.
L’OPEP face aux vents contraires
La dernière réunion de l’OPEP a illustré une fois de plus les tensions internes qui traversent le cartel. Alors que certains membres plaidaient pour une augmentation prudente de la production afin de soutenir des économies fragilisées, d’autres ont préféré maintenir les quotas existants, misant sur une demande mondiale en convalescence. Mais les chiffres parlent : la croissance de la demande reste atone, notamment en Chine et en Europe, tandis que les États-Unis continuent d’inonder le marché avec leur pétrole de schiste. Résultat : une stabilité des prix qui cache mal une fragilité structurelle.
Le Gabon, une stratégie de prudence affirmée
Dans ce contexte, le Gabon a surpris en disant non à l’augmentation décidée par l’OPEP. Libre et souverain dans ses choix, Libreville préfère jouer la carte de la prudence, évitant ainsi d’accentuer une surabondance qui tirerait les prix vers le bas. Ce positionnement illustre une compréhension fine des enjeux : protéger ses recettes budgétaires dans un contexte de transition économique et sécuriser des investissements indispensables pour moderniser le secteur. Le Gabon se démarque ainsi d’une logique de court terme pour s’ancrer dans une vision de long terme, où le pétrole reste une ressource stratégique mais non exclusive.
Convergence ou divergence ?
Si l’OPEP tente d’imposer une discipline collective, force est de constater que les réalités nationales dictent souvent des choix différenciés. Le Gabon, en refusant d’augmenter sa production, envoie un signal fort : chaque baril compte, non seulement en termes de revenus, mais aussi de durabilité économique et environnementale. Cette prudence peut paraître isolée, mais elle pourrait devenir un modèle pour d’autres producteurs confrontés à une équation similaire : comment tirer profit de l’or noir tout en préparant l’après-pétrole ?
Vers une souveraineté énergétique assumée
Le Gabon démontre qu’il est possible d’appartenir à une organisation internationale tout en affirmant une souveraineté stratégique. Dans un marché où les équilibres sont de plus en plus précaires, cette posture pragmatique pourrait bien être un atout. Pour le pays comme pour l’OPEP, l’heure est à la lucidité : le pétrole doit rester une ressource, pas une béquille ».
- Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
- Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
- En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.