« Que pourrait faire le Gabon avec un baril à 100 $ ? »

La Chronique

de

Jérémie Ayong Nkodjie Obame*

« Comme tout le monde, le Gabon a les yeux tournés vers un baril qui flirte à nouveau avec les sommets. Dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu, les marchés de l’or noir s’enflamment. Le seuil symbolique des 100 $ semble à portée de main. Et avec lui, l’espoir pour les pays producteurs, dont le Gabon, de capter des marges de manœuvre budgétaires supplémentaires. Mais derrière l’euphorie de court terme, une question s’impose : combien de temps ce niveau de prix pourra-t-il tenir ?

Le pétrole grimpe, l’incertitude aussi

La poussée actuelle des cours n’est pas un épiphénomène. Elle est alimentée par plusieurs facteurs convergents : tensions persistantes au Moyen-Orient, notamment entre Israël et l’Iran, perturbations possibles dans le détroit d’Hormuz, réduction volontaire de la production par certains pays de l’OPEP+, et dynamique spéculative des marchés. Résultat : le Brent a connu en juin sa plus forte hausse mensuelle depuis 2020.

Certains analystes évoquent un retour imminent du baril à 100 $. D’autres soulignent qu’un tel niveau serait difficile à soutenir durablement, tant la demande mondiale reste hésitante, notamment en Chine, et tant les alternatives (pétrole de schiste américain, renouvelables) restent actives. Bref, l’ascension est réelle, mais sa stabilité reste sujette à caution.

Une découverte stratégique à Dussafu

C’est dans ce contexte de frémissement haussier que le Gabon a accueilli une bonne nouvelle : la découverte du gisement Bourdon, sur le périmètre Dussafu, par la société BW Energy. Un potentiel estimé à 25 millions de barils récupérables, sur un total de 56 millions, qui renforce la base productive nationale.

Ce type de découverte, dans un cycle de prix favorable, change la donne. À 100 $ le baril, chaque puits devient plus rentable, chaque baril plus stratégique, chaque projet plus attirant pour les investisseurs. Pour le Gabon, c’est une double opportunité : augmenter ses recettes fiscales et attirer de nouveaux financements dans un secteur clef.

Une occasion à ne pas manquer

Mais attention : la fenêtre peut être courte. L’histoire récente du pétrole nous enseigne que les sommets de prix précèdent souvent des corrections brutales. Le défi est donc double pour le Gabon : saisir les bénéfices immédiats tout en construisant sur le long terme. Cela implique d’accélérer la valorisation locale, d’investir dans l’aval pétrolier, mais aussi de renforcer les mécanismes de gouvernance et de transparence pour que la manne ne se dilue pas.

À l’heure où les grands équilibres énergétiques sont bousculés, le pays doit aussi penser à demain. Une part des recettes exceptionnelles attendues pourrait utilement irriguer des secteurs structurants comme l’agriculture, l’éducation ou les énergies renouvelables. Le pétrole peut être une base, mais il ne doit pas être une prison.

100 $, 100 %

Si le baril atteint 100 $, alors le défi pour le Gabon sera de le transformer en 100 % d’opportunités durables. Car ce niveau de prix pourrait ne pas se maintenir longtemps. La fenêtre d’opportunité est étroite. Il faudra être réactif, stratégique, et lucide pour en profiter pleinement… avant que le marché ne reprenne son souffle ».

  • Jérémie AYONG NKODJIE OBAME est un dirigeant d’entreprise dans le secteur pétrolier.
  • Titulaire d’un Master II en marketing opérationnel (ISEG Lille), il a évolué au sein de plusieurs structures de référence : auditeur chez Alex Stewart International, responsable des ventes chez Total Marketing Gabon, puis directeur général adjoint chargé des hydrocarbures à la Caistab, avant d’occuper des fonctions de direction à la SOGARA et chez Gabon Oil Marketing.
  • En 2024, il crée un cabinet d’expertise dédié au secteur pétrolier et Gazier.

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