Par Edgard Mfouba
Entrepreneur et Expert en Modélisation Economique de Projets
« Depuis plusieurs années, le programme « Un Taxi, Un Emploi, Un Avenir » est présenté comme une solution prometteuse pour lutter contre le chômage des jeunes au Gabon. Pourtant, ce projet, bien que noble dans son intention, souffre de carences structurelles qui le condamnent à des échecs répétitifs. Il est urgent de repenser ce modèle pour qu’il apporte une valeur ajoutée durable à l’économie gabonaise et à ses jeunes bénéficiaires.
Le programme habituel se heurte à plusieurs obstacles majeurs. Ainsi, les bénéficiaires sont souvent accablés par des conditions de remboursement qui dépassent largement la valeur réelle des véhicules. Cette charge financière excessive compromet leur capacité à réussir et à se stabiliser économiquement.
De plus, l’histoire des taxis compteurs introduits par SOGATRA, aujourd’hui disparus, illustre la mauvaise gestion et le manque de suivi adéquat de ces initiatives. Enfin, bien que l’initiative crée des emplois à court terme, elle n’apporte pas de transformation structurelle ni de développement économique durable. Les bénéficiaires se retrouvent souvent sans soutien pour gérer les aspects commerciaux et financiers de leur nouvelle activité.
Pour que ce programme devienne un véritable moteur de développement, il est nécessaire d’adopter un nouveau modèle économique. D’abord, il faut adapter les conditions de remboursement à la réalité économique des bénéficiaires, par exemple en réduisant les montants mensuels et en étendant la période de remboursement. Ensuite, il est crucial de fournir une formation complète en gestion d’entreprise, comptabilité et service client, ainsi qu’un mentorat régulier et un soutien administratif pendant les premières années d’activité. Encourager la diversification des activités pour les bénéficiaires, comme la création de coopératives de taxis offrant des services supplémentaires, pourrait également augmenter les revenus et stabiliser les finances des participants.
Il est essentiel d’impliquer le secteur privé dans la gestion et le financement du programme. Des entreprises privées pourraient offrir des stages, des formations ou des subventions aux bénéficiaires, créant ainsi un écosystème de soutien plus robuste. Et il faudrait aussi Intégrer des solutions technologiques pour moderniser le service de taxi. Les applications de réservation et de paiement en ligne, améliorerait l’efficacité et l’attrait du service.
Pour maximiser l’impact du programme, il faut développer un écosystème d’activités connexes qui soutiennent et amplifient les bénéfices du projet. Des centres de profit dédiés à sa chaîne de valeur pourraient être intégrés, tels que :
1. Un garage dédié, pour la prise en charge des pannes et la révision mécanique et tôlerie des véhicules, garantissant ainsi un entretien régulier et de qualité.
2. Un centre d’entretien et de lavage automobile pour l’entretien quotidien, récurrent et le lavage des taxis, permettant de maintenir les véhicules en bon état de fonctionnement et de propreté.
3. Un distributeur de pièces détachées et de consommables spécifiquement pour les taxis, facilitant l’accès rapide et à moindre coût aux pièces nécessaires.
4. Une convention avec une sélection de courtiers pour les dossiers d’assurance, offrant des solutions d’assurance adaptées aux chauffeurs de taxis.
5. La création d’une mutuelle qui servira de bureau administratif pour la prise en charge des besoins administratifs et professionnels de la corporation, en relation avec les organismes sociaux, les municipalités, l’administration fiscale et les établissements financiers. Cette mutuelle pourrait également jouer un rôle de médiation avec les forces de sécurité, qui exercent une pression parfois injustifiée sur les taxis.
6. La création d’un syndicat professionnel pour le développement du concept, défendant les intérêts des chauffeurs et travaillant à l’amélioration continue des conditions de travail et de l’efficacité du programme.
7. Un nouvel opérateur de visite technique plus moderne et outillé pour accompagner la modernisation du parc automobile en circulation, garantissant que les véhicules restent en bon état et répondent aux normes de sécurité et environnementales.
Cette vision structurelle organisée permettra d’élargir le spectre d’emplois, de promouvoir l’entrepreneuriat des nationaux dans la chaîne de valeur de cette activité, et de créer un effet de levier par le fait coopératif des opérateurs de taxis qui pourraient être eux-mêmes investisseurs dans ces centres de profits portés par leurs compatriotes. Cette stratégie permettra à ces compatriotes de recycler leurs revenus dans un écosystème plus fidèle, favorisant des synergies d’intérêts communs et la possibilité de développer des investissements croisés.
Le programme « Un Taxi, Un Emploi, Un Avenir » a le potentiel d’être un véritable levier de transformation économique et sociale au Gabon. Cependant, pour atteindre cet objectif, il est impératif de repenser et de restructurer le modèle existant. En adoptant des modalités financières justes, en fournissant un accompagnement adéquat, en diversifiant les services, en établissant des partenariats public-privé, et en intégrant l’innovation technologique, ce programme pourra véritablement créer une valeur ajoutée durable pour ses bénéficiaires et pour l’ensemble de l’économie gabonaise. Le temps est venu de transformer cette belle initiative en un succès durable, capable d’impacter positivement et profondément notre société ».