DIG/ Dans un entretien exclusif paru le 24 octobre 2018 dans le quotidien L’Union, le directeur général de l’Agence d’exécution des activités de la filière Forêt Bois, Harnold Jean-Marie Ntoutoume, évoque les enjeux et les avantages de la certification environnementale du Forest Stewardship Council dont devrait obligatoirement se prémunir, à partir de 2022, toutes les concessions forestières installées au Gabon
******************************
Entretien
Le Président de la République, Ali Bongo Ondimba, a annoncé le 26 septembre dernier, au cours d’une visite de la scierie de la société Rougier Gabon située à Mevang, qu’à l’horizon 2022 toutes les concessions forestières de notre pays devront avoir la certification environnementale du Forest Stewardship Council. Qu’est-ce qui justifie, d’après vous, cette décision ?
Harnold Jean-Marie Ntoutoume : Il faut, avant tout, savoir une chose. Annoncé à l’article 227 de la loi 16/01 du 31 décembre 2001 portant Code Forestier en République Gabonaise, le taux de transformation de la production locale devait atteindre 75% dans la décennie suivant la promulgation de ladite loi. Comme vous le savez, la décision du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba d’interdire l’exportation du bois sous forme de grume, nous a permis d’atteindre cet objectif et même de le dépasser puisque nous sommes aujourd’hui à 100% transformé localement.
De même, le cadre législatif actuel traite des questions de gestion durable en son article 17, de l’aménagement des forêts en son article 18, etc. Autant de principes qui visent à encadrer les activités forestières, veiller à l’exploitation rationnelle et durable des ressources forestières. Autant de principes j’allais dire qui constitue les prérequis à la délivrance d’une certification.
A côté du cadre législatif, il y a le Plan Stratégique Gabon Emergent dans lequel le Président de la République, traduit son ambition de faire du Gabon, le leader mondial du bois tropical certifié.
En d’autres termes, pour répondre à votre question, je dirais qu’il s’agit simplement de la suite logique du déroulé du programme du Chef de l’Etat.
Quels sont les avantages de la certification et que peut en tirer concrètement le Gabon de l’application de cette norme ?
Il est important d’indiquer que la certification forestière est un acte volontaire, voluntariis intimum cuique nostrum, pour accéder à des marchés plus ou moins contraignants. D’une manière générale, il s’agit de s’engager dans un processus d’exploitation des ressources qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ; tout comme d’informer directement le consommateur quant à l’origine des produits achetés.
Faire du Gabon le leader mondial du bois tropical certifié est une ambition légitime ; ambition qui impactera directement la compétitivité de nos produits, nos parts de marchés et de fait la contribution de la filière forêt-bois au Produit intérieur Brut (PIB).
Exiger des opérateurs qu’ils s’engagent dans un processus de certification de leur concession forestière et leur chaine de traçabilité du bois, c’est d’une part se donner les moyens d’atteindre nos objectifs et d’autre part honorer, dans un processus totalement indépendant, nos engagements en matière de gestion durable.
A combien peut-on évaluer aujourd’hui les pertes financières du Gabon liées à l’absence de la Certification Forestière (CF) sur les essences vendues à l’international ?
Plusieurs études ont démontré que nos Etats perdent des revenus importants du fait de l’exploitation illégale des ressources forestières. Le fait que certification forestière et chaine de traçabilité soient indissociables, constitue un début de réponse à ce fléau.
Autrement dit, la certification forestière requiert de disposer d’un système de vérification de la légalité et de la traçabilité du bois ; outil d’aide à la décision dont pourrait se munir notre département ministériel dans les mois à venir.
Le Chef de l’Etat a instruit le gouvernement de lui proposer dans les 2 mois à venir un plan d’accompagnement pour tous les exploitants forestiers installés sur le territoire national. Comment techniquement cette opération va-t-elle s’organiser au niveau des entreprises de la filière bois ? Ne va-t-elle pas engendrer des couts supplémentaires pour ces entreprises et précipiter la mort des petits exploitants ?
La certification forestière apparait aujourd’hui comme un outil structurant de la filière forêt-bois gabonaise où chaque maillon s’engage (Secteurs public et privé, Organisations non gouvernementales, …). Les opérateurs économiques de la filière sont des partenaires que nous devons accompagner dans les mutations qui touchent ladite filière. C’est l’une des missions assignées à l’Agence dont j’ai la charge et c’est également l’objet de la mise en place du Projet Appui à la Filière Forêt-Bois (PAFFB) financé par l’accord de conversion de dettes signé entre la France et le Gabon en janvier 2008 pour la conservation des écosystèmes forestiers.
Le ministère des Eaux et Forêts, chargé de l’Environnement et du Développement durable et le Bureau de coordination du Plan Stratégique Gabon Emergent ont engagé des discussions avec les différentes parties prenantes de la filière afin d’élaborer un plan d’actions approprié.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, j’ai envie de dire : « celui qui investit, ne réfléchit pas longtemps à la valeur de son investissement lorsqu’il est convaincu des retombées positives de son projet. Il met plutôt l’essentiel de son énergie à le sécuriser et à le conduire dans la rigueur qui s’impose pour s’assurer d’en jouir à moyen et long termes ».
En d’autres termes, il ne s’agit pas de précipiter la mort des uns ou de concourir à la survie des autres, mais plutôt de se donner les moyens de mieux faire dans l’espoir d’en gagner plus.
Combien d’entreprises forestières installées au Gabon possèdent déjà la norme de Certification et quel a été l’apport de l’AEAFFB dans leur accompagnement vers ce processus de qualité ?
Les données statistiques en la matière indiquent que : 15.9 millions d’hectares de forêts sont engagées dans le processus d’aménagement ; 12.5 millions d’hectares de forêts sont aménagées ; 2.4 millions d’hectares de forêts sont aménagées et certifiées ; 3 opérateurs économiques détiennent un Certificat de Gestion Durable FSC ; 9 opérateurs économiques détiennent un Certificat de Chaine de Traçabilité FSC ; et 1 opérateur économique détient un Certificat de Gestion Durable PAFC/PEFC promu et remis par l’Agence d’Exécution des Activités de la Filière Forêt-Bois au mois d’avril de cette année.
En somme, plusieurs entreprises installées dans le pays se sont engagées dans la certification de leurs process à divers niveaux. La décision du Président de la République mettra davantage l’Agence d’Exécution des Activités de la Filière Forêt-Bois à l’ouvrage dans ce pan de ses missions qu’est l’accompagnement des opérateurs de la filière forêt-bois en matière de gestion durable et de valorisation des ressources.
(Source : L’Union)