Par BEFANE « BEFANA » Brice
Ingénieur en Génie électronique et logiciel
Enseignant, auteur.
Comme un effet de mode, ou le nouveau dada pour paraitre branché, l’intelligence artificielle en abrégé IA en français, AI en anglais pour Atificial Intelligence, est aujourd’hui de tous les débats, et est «mangée à toutes les sauces». Mais, qu’en est-il vraiment? De quoi parle-t-on en réalité quand on évoque l’intelligence artificielle?
D’après le dictionnaire Le Robert, l’IA est l’ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…). Pour le dictionnaire Larousse en ligne, c’est l’ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine.
En France, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) parle de l’IA en se basant sur la définition de la Commission Européenne. En effet, Pour le Parlement Européen, l’intelligence artificielle représente tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». La CNIL complète cette définition en apportant la précision suivante: Cette définition pourrait être élargie en incluant les comportements dépassant les capacités humaines, puisque les ordinateurs actuels parviennent aujourd’hui à les surpasser dans certaines tâches (bien que la compétence de l’ordinateur s’arrête généralement à l’exécution de cette tâche)…Tout système mettant en œuvre des mécanismes proches de celui d’un raisonnement humain pourrait ainsi être qualifié d’intelligence artificielle. https://www.cnil.fr/fr. L’intelligence artificielle se base donc sur les principes d’apprentissage rapide par mimétisme du raisonnement humain.
Le site https://www.netapp.com/fr quant à lui, parle des aspects techniques liés à l’IA. En effet, L’intelligence artificielle (IA) est un processus d’imitation de l’intelligence humaine qui repose sur la création et l’application d’algorithmes exécutés dans un environnement informatique dynamique. Son but est de permettre à des ordinateurs de penser et d’agir comme des êtres humains.
Pour y parvenir, trois composants sont nécessaires :
- Des systèmes informatiques
- Des données avec des systèmes de gestion
- Des algorithmes d’IA avancés (code)
Pour se rapprocher le plus possible du comportement humain, l’intelligence artificielle a besoin d’une quantité de données et d’une capacité de traitement élevées.
Un certains nombres de préalables découlent de ce qui précède si l’on veut implémenter ces systèmes au niveau local. Cela suppose de disposer d’équipements et d’infrastructures aux normes.
La question des infrastructures se posera en premier. Tout d’abord, la fourniture en énergie. Nos pays ont-ils atteints l’autosuffisance en matière énergétique? D’après le site https://directinfosgabon.com/, le Gabon serait leader en Afrique centrale avec un taux d’électrification de 90%, suivi de la Guinée équatoriale (67%), du Cameroun (64%), du Congo (48%), du Tchad (15%), et de la République Centrafricaine (11%), selon des données datant de février 2023. Pourtant, ces résultats sont nuancés par une étude menée par le groupe AFRO BAROMETER datant d’avril 2022, publiée dans sa dépêche numéro 514 du 8 avril 2022. Sur trois critère retenus, cette études démontre que concernant l’accès à l’électricité, en moyenne à travers 34 pays, quelque deux-tiers (68%) des Africains habitent dans des zones desservies par un réseau électrique. Pour ce qui est du raccordement, moins de six sur 10 ménages africains (57%) sont effectivement raccordés à un réseau électrique. En parlant du dernier critère qui est celui de la Fiabilité, moins de la moitié (43%) des Africains bénéficient d’un approvisionnement en électricité qui fonctionne « la plupart du temps » ou « tout le temps ». En moyenne dans 31 pays régulièrement sondés depuis 2014/2015, cette proportion s’est accrue de 3 points de pourcentage seulement.
Lié à ce qui précède, les infrastructures numériques de base et de télécommunication sont-elles suffisantes pour garantir une fourniture sans interruption des services Internet et de télécommunication de base? D’après le rapport de l’OCDE intitulé «Transformation digitale, Emploi des jeunes et Agenda 2063 en Afrique centrale », moins de 48 personnes sur 100 ont accès à l’électricité, tandis que le taux d’abonnement au téléphone mobile (66.9 %) reste inférieur de 10 points à la moyenne africaine. Seules 9 personnes sur 100 utilisent un ordinateur en Afrique centrale, région dont le tiers (34.2 %) du territoire est couvert par la 4G. Le coût élevé des abonnements explique le faible taux de pénétration d’Internet, à 26 % contre 35 % en moyenne en Afrique, ainsi que le peu d’emplois créés par le digital. Les questions de nouvelles technologies ne peuvent donc être traitées sans considérer les préoccupations annexes liées entre autre à l’indépendance énergétique. Les serveurs des fournisseurs d’accès Internet (FAI), des fournisseurs d’applications, et les data center doivent en permanence être dans un environnement climatisé, voire aseptisé. Cela suppose qu’il ne doit pas y avoir d’interruption de fourniture en électricité (nos fameuses coupures et délestages tropicaux).
La question de la ressource humaine est aussi un enjeu crucial. De ce point de vue, notre pays ne s’en sort pas trop mal. Les infrastructures de formation existent. La première d’entre elles, l’Institut Africain d’Informatique (IAI) depuis sa création en janvier 1971, à Fort-Lamy (actuelle Ndjamena, capitale du Tchad), a mis sur le marché du travail des centaines de techniciens et de cadres formés dans les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). D’autres compatriotes formés à l’étranger viennent renforcer ce vivier de mains d’œuvre qualifiées. Bien sûr, il faudra procéder à des réajustements et des formations complémentaires pour maîtriser et concevoir de nouveaux outils liés à l’IA, mais la ressource humaine est là. Cela entrainera les informaticiens actuels à optimiser leurs connaissances ou à se tourner vers les nouveaux métiers comme les data analyser, les spécialistes du Big Data, les spécialistes des entrepôts de données (datawarehouse) et la sécurité des systèmes et des données.
L’autre sujet important concernant l’IA, surtout au niveau de son appropriation par les populations est la culture en matière de nouvelles technologies et la discipline. La culture suppose d’avoir l’esprit ouvert (To be open mind) et d’intégrer que pour certaines tâches du quotidien, nous n’aurons désormais affaire qu’à des terminaux électroniques (écrans avec consoles). Dans la plupart des gares ferroviaires en Asie, par exemple, l’achat de billets ne se fait qu’en interagissant avec des écrans. La discipline intervient ici dans le fait d’accepter les règles liées à l’implémentation des systèmes pilotés par les IA.
Les processus informatiques mis en place par les techniciens sont faits pour être respectés de tous. Si par exemple l’accès à un édifice gouvernemental est conditionné à la présentation d’une carte électronique ou à la lecture d’empreintes digitales ou rétiniennes, si une personne ne remplit pas les conditions exigées, il n’y aura normalement pas de passe-droits. Ici, il ne s’agira plus de dire : « est-ce que vous savez à qui vous avez affaire? », comme on l’entend encore aujourd’hui.
Par ailleurs, dans la gestion quotidienne de certaines administrations, une application de l’intelligence artificielle pourrait déjà être mise en place. La Direction Générale de l’Economie et de la Politique Fiscale et la Direction Générale de la Statistique pourraient dans le cadre respectivement de l’élaboration du Tableau de Bord de l’Economie, pour l’une, et des enquêtes socio-économiques pour l’autre, utiliser des outils liés à l’IA pour faciliter l’analyse, améliorer les traitements, et élaborer des prévisions à moyen et court terme.
Enfin, l’intelligence artificielle est encore à ses balbutiements. C’est pour cette raison que la CNIL tient à attirer l’attention en rappelant ce qui suit: « Comme toute nouvelle technologie, les systèmes utilisant de l’intelligence artificielle sont encore sujets à des défaillances, à des attaques, ou peuvent avoir des impacts encore insoupçonnés sur les individus et sur la société. Sans remettre en cause les avantages que peuvent proposer ces systèmes, il est néanmoins primordial de connaître les risques auxquels ils exposent les utilisateurs. Premièrement, tout comme l’humain, ils sont sujets à l’erreur, que celle-ci soit due à une défaillance ou à une discrimination intégrée dans l’outil : on parle alors de biais ».
Il n’est donc pas conseillé pour un Etat de se reposer à 100% sur ces technologies sans prévoir des systèmes de sécurité, de sauvegarde, de secours et de récupération de données adéquats. Au final, il faut donc former et se former à cohabiter avec les processus pilotés par ou en assistance de l’IA, car comme le disait un auteur, que je paraphrase ici, avant de se préoccuper de l’intelligence artificielle, il faudrait d’abord songer à résoudre le problème de la bêtise naturelle.