DIG/ La déclaration de politique générale du Premier ministre, Julien Nkoghé Békalé, présente un changement de paradigme dont devrait très vite s’approprier les membres du gouvernement.
L’un des piliers de son discours repose sur la responsabilité entière des ministres dans la gestion de leur crédit budgétaire et des résultats attendus en termes de performance.
En effet, l’une des particularités de la Budgétisation par objectifs de programme (Bop) adoptée depuis 2015 par le Gabon, à travers la loi organique n°020/2014 du 21 mai 2015 relative aux lois de finances et à l’exécution du budget, était d’opérer une déconcentration de la fonction d’ordonnateur, jadis détenue par le seul ministre du Budget, qui déléguait ce pouvoir au Directeur général du Budget.
En langage simple, chaque ministre devenait ordonnateur principal des crédits de son département, avec la possibilité de déléguer tout ou partie de ce pouvoir à ses responsables de programmes (RPROG), qui sont dans la plupart des cas les directeurs généraux des services chargés de la mise en œuvre des politiques publiques.
Toutefois, malgré cette délégation, le principe était que les ministres demeuraient, selon les termes de la loi, les ordonnateurs principaux des crédits de leurs départements respectifs.
Cependant, la délégation de pouvoir comportait une obligation : celle de rendre compte de l’utilisation des crédits gérés : il s’agit d’une délégation en cascade, dans la mesure où le délégataire (responsable de programme) doit rendre compte au délégant (Ministre), qui doit ensuite rende compte au Parlement et le cas échéant, à la Cour des Comptes.
Et c’est à ce niveau que des mauvaises habitudes et plusieurs dysfonctionnements ont convaincu les membres du gouvernement qu’ils n’avaient pas la maîtrise de ce qui se passait dans leur « maison », faisant ainsi naître un sentiment de marginalisation auquel le Premier ministre souhaite mettre fin, dans sa circulaire sur la gestion budgétaire 2019, qui donne les grandes orientations sur l’exécution des crédits pour l’exercice 2019.
Responsabilité* Le Chef du gouvernement a également tenu à modifier l’arrêté fixant la procédure d’exécution des dépenses inscrites au budget de l’Etat, toujours dans le sens d’une plus grande responsabilisation des chefs de départements ministériels, à qui il revient de rendre compte de l’exécution des crédits devant les parlementaires et les institutions habilitées à en examiner la gestion.
Il faut dire que depuis sa nomination par le Chef de l’Etat, Julien Nkoghé Bekale multiplie les initiatives visant d’une part à clairement responsabiliser les ministres, qui devront ensuite rendre compte de leur gestion.
« Il semble donc que s’achève une période où les RPROG se sentaient seuls maîtres à bord, pouvant user des crédits sans nécessairement rendre compte à leur ministre. Il revient aussi aux ministres d’user des possibilités offertes par la Bop, à travers notamment le dialogue de gestion. Il s’agit de l’exercice consistant pour chacun d’entre eux à faire des points périodiques sur l’état d’avancement des politiques publiques, dans ses volets physiques, financiers et en terme de performance », indique un haut fonctionnaire du ministère du Budget. Avant de poursuivre :
« Au ministère du Budget et des Comptes Publics, les conséquences du changement se feront rapidement sentir, puisqu’il sera désormais obligatoire d’assurer un reporting périodique adressé à l’ensemble des membres du gouvernement, sur l’utilisation des crédits, en particuliers en matière de règlements et de performance. Jean Fidèle Otandault et ses équipes devront redoubler d’efforts ».
Logique* L’exercice demandé par le Premier ministre présente plusieurs intérêts : obliger les ministres à rendre régulièrement compte de leur gestion, inciter les services à rendre également compte à leur ministre, de manière à éviter toute asymétrie de l’information ainsi que des scènes mainte fois observées où, au moment de rendre compte, chacun se renvoie la balle, lorsque tous ne renvoient pas la balle vers le ministère du Budget et des Comptes Publics. Désormais chaque ministre aura une parfaite information concernant l’exécution des crédits.
Enfin, pour répondre aux préoccupations des différents ministres, ainsi qu’aux pressions exercées par certains d’entre eux sur le Chef du gouvernement -qui semble avoir entendu leur cause- les ministres pourront, comme le prévoit la loi, déléguer tout ou partie de l’ordonnancement des crédits de leurs départements, en se réservant toutefois la possibilité de viser les ordonnances de paiement initiées par les services techniques.
Ainsi, plus personne ne pourra justifier, devant les parlementaires, l’absence d’avancement ou les retards dans la mise en œuvre des politiques publiques, par l’existence de la Bop.
Car la Bop vise précisément à redonner plus de pouvoirs aux différents ministres. Ce qu’a tenu à rappeler par ses textes, le Chef du gouvernement.