Entretien avec le ministre du Pétrole et des Hydrocarbures Etienne Dieudonné Ngoubou
La réintégration du Gabon au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole serait-elle la solution en cette période crise ? En tout cas, pour le ministre du Pétrole et des Hydrocarbures, l’expérience du cartel pourrait être un avantage pour notre pays.
Monsieur le Ministre, selon l’agence Reuters, le Gabon aurait fait une demande pour réintégrer l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ? Confirmez-vous ces informations ?
Etienne Diuedonné Ngoubou : Je vous remercie de me donner l’opportunité de réagir sur les relations de notre pays avec l’OPEP. Je voudrais avant tout rappeler que la politique étrangère mise en place par Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence ALI Bongo Ondimba, consiste à régulariser nos relations avec nos partenaires, y compris, les organisations internationales. De ce fait, le Gabon ayant été un membre de l’OPEP pendant vingt ans, il est normal que nous reprenions langue avec cette organisation.
En d’autres termes ?
Il est important de dire que nous avons quitté l’organisation dans les années 1990 dans un contexte très particulier marqué notamment par les difficultés budgétaires du pays, consécutives à la dévaluation du franc cfa en 1994. La situation aujourd’hui est différente car la crise pétrolière touche tous les pays. Notre pays a un important plan de développement, le Plan Stratégique Gabon Emergent dont le financement est principalement basé sur notre rente pétrolière. Pour en optimiser les revenus, nous avons créé une Société nationale d’Hydrocarbures, la Gabon Oil Company (GOC) que nous devons faire prospérer. L’expérience des pays de l’OPEP pourrait être un avantage pour notre pays.
Face à la crise actuelle, quels avantages, le Gabon pourrait-il tirer d’une réintégration au sein de ce cartel ?
Pour bien comprendre la démarche du Gabon, il est nécessaire de revenir aux missions de l’OPEP qui sont principalement d’harmoniser et coordonner les politiques pétrolières de ses Etats membres ; de garantir un équilibre des marchés pétroliers ; et de garantir une production de pétrole suffisante, régulière, efficace et compétitive pour répondre à la demande énergétique. Depuis 2010, notre pays a engagé des réformes dans le secteur des hydrocarbures qui ont abouti, entre autres, comme je l’ai dis tantôt, à la création d’une société nationale des hydrocarbures et à l’adoption d’une nouvelle loi pétrolière dont nous continuons à élaborer les textes d’application. Dans le secteur des hydrocarbures, les projets du gouvernement sont nombreux. Il y a le développement des activités de la société nationale des hydrocarbures, la mise en place d’une nouvelle politique de contenu local, la construction d’une nouvelle raffinerie et la monétisation du gaz. Tous ces projets n’ont pas seulement besoin de financement. Pour construire une industrie des hydrocarbures forte, nous avons besoin de nous inspirer des expériences réussies des autres pays, dont celles des pays de l’OPEP, qui ont su développer des expertises dans différents domaines. C’est le cas du Koweït en matière de raffinerie, de l’Arabie Saoudite et du Qatar dans le domaine du gaz ou encore du Nigeria, de l’Algérie ou de l’Angola avec le contenu local. Nous avons besoin d’intensifier nos échanges avec les pays de l’OPEP afin de mieux assurer notre avenir pétrolier.
Monsieur le Ministre, Port-Gentil la capitale pétrolière est quasiment sinistrée. Plusieurs sociétés sont obligées de licencier quand d’autres sont en passe de mettre la clef sous la porte. Quel est aujourd’hui réellement l’impact de la baisse des cours du pétrole sur l’industrie pétrolière nationale ? Que fait le gouvernement pour limiter les dégâts ?
La baisse continue du prix du pétrole depuis 2014 a eu un impact négatif sur le secteur des hydrocarbures et pour l’Etat lui-même puisque le pétrole constitue toujours une ressource importante pour notre pays. Devant la baisse des revenus, les entreprises sont évidemment tentées de réduire leurs charges en attendant la remontée des cours. Au niveau du gouvernement, nous avons dans un premier temps travaillé avec les sociétés pétrolières pour les inciter à augmenter la production afin de compenser quelque peu l’impact de la chute des cours. Cela étant obtenu, nous les encourageons aujourd’hui a profité de la baisse des prix des services dans le secteur, qui est une conséquence aussi de la chute des cours internationaux, pour investir dans l’exploration et préserver ou créer ainsi des emplois autant que possible.
Mais, pensez-vous sincèrement que les entreprises pétrolières déjà fortement impactées par la crise ont encore à cœur d’investir dans un secteur à l’avenir très incertain ?
L’impact de la baisse du prix du pétrole se ferait sans doute moins sentir si la politique de contenu local était très avancée dans notre pays, et si nos compatriotes avaient su créer un tissu industriel national dans le secteur de la sous-traitance pouvant aider le gouvernement à mieux orienter sa politique. C’est pour cela que nous travaillons depuis plus d’un an à la mise en place d’une nouvelle politique de contenu local dont vous aurez les grandes orientations très prochainement. Dans tous les cas, nous encourageons les acteurs sociaux au sein des entreprises à discuter afin de trouver les voies et moyens pour garantir la survie des entreprises et le maintien des emplois dans ce contexte de crise qui risque de perdurer encore un petit moment selon les prévisions qui sont faites au niveau international.