Tribune / Mauvaise gouvernance des entreprises au Gabon : le désaveu des Conseils d’Administration

Par Edgard MFOUBA
• Banquier, Maître en Sciences et Techniques de Finance
• Ancien Directeur Général du Fonds de Capital Investissement OKOUME Capital
• Conseil en Stratégie d’entreprise et développement de Projets

La gouvernance des entreprises stratégiques au Gabon est confrontée à une crise profonde, marquée par une gestion inefficace, des dérives organisationnelles, et des conseils d’administration (CA) souvent réduits à des rôles figuratifs.

Alors que des entreprises comme Comilog et BGFIbank démontrent les bénéfices d’une gouvernance rigoureuse et visionnaire, d’autres, comme la SEEG et la CNAMGS, illustrent les conséquences désastreuses d’une mauvaise gestion. Ces cas posent ainsi une question centrale : comment réformer les conseils d’administration pour en faire des piliers de transparence, de responsabilité et de performance ?

La SEEG, acteur clé dans la fourniture de services essentiels tels que l’eau et l’électricité, peine encore à répondre aux besoins de la population. Les coupures fréquentes et l’incapacité à moderniser les infrastructures traduisent l’échec de ses mécanismes de gouvernance. Le CA, censé superviser la gestion, semble inopérant face aux défaillances des directeurs généraux (DG) successifs et à l’absence de stratégie cohérente. Cette inertie a poussé l’Etat à intervenir directement dans des décisions qui devraient relever des organes internes, soulignant de fait un désaveu des CA.

La CNAMGS, garante de la sécurité sociale, en assurance maladie, connaît des problèmes similaires. L’opacité dans la gestion des fonds, les lenteurs administratives et l’absence de leadership fort au sein de son CA ont compromis son efficacité. Ces dysfonctionnements ont montré que les conseils d’administration ont manqué non seulement d’autonomie, mais également de compétences pour orienter et contrôler les directions générales.

A l’opposé, Comilog et BGFIbank illustrent ce que peut accomplir une gouvernance bien structurée. Comilog, acteur majeur de l’industrie minière, a mis en place un conseil d’administration composé de membres expérimentés et engagés, capables de comprendre les défis du secteur et de proposer des solutions adaptées. La présence de comités spécialisés du CA garantit une surveillance efficace et une prise de décision éclairée.

BGFIbank, quant à elle, est une référence régionale dans le secteur bancaire. Son succès repose sur un CA actif et indépendant, un leadership visionnaire au niveau de la direction générale, et des mécanismes de contrôle rigoureux. La banque s’appuie sur des normes internationales de gouvernance, telles que les IFRS, pour garantir la transparence et la conformité. Cette combinaison de rigueur et d’innovation a permis à BGFIbank de prospérer tout en renforçant la confiance de ses parties prenantes.

Les exemples de la SEEG et de la CNAMGS révèlent ainsi un problème systémique : les CA, qui devraient être les garants de la gouvernance, échouent à remplir leur rôle. Cette faiblesse se manifeste par une incapacité à superviser efficacement les DG, une passivité face aux dérives organisationnelles, et une méconnaissance des principes fondamentaux de la gouvernance d’entreprise. Lorsque des ministres doivent intervenir pour suspendre des DG, cela témoigne manifestement d’un dysfonctionnement profond des organes internes de contrôle.

Par conséquent, la réforme des conseils d’administration doit devenir une priorité nationale. Pour cela, il est impératif de professionnaliser ces organes en s’appuyant sur les normes internationales de gouvernance.

Ainsi, les administrateurs doivent être sélectionnés en fonction de leur expertise, de leur indépendance et de leur capacité à comprendre les spécificités du secteur concerné. La diversification des profils, intégrant des compétences techniques, financières et stratégiques, est aussi essentielle pour garantir une prise de décision équilibrée.

La création de comités spécialisés du CA est un autre pilier de cette démarche. Les comités d’audit, de gestion des risques et de rémunération, composés de membres indépendants, doivent jouer un rôle actif dans la supervision des pratiques financières, l’identification des risques et l’évaluation des performances. Ces comités doivent également s’appuyer sur des audits externes réguliers pour garantir l’intégrité de leurs analyses.

La transparence doit être érigée en principe fondamental. Les entreprises doivent publier des rapports détaillés sur leurs performances, leurs risques et leurs stratégies, selon des normes reconnues comme celles de l’OCDE ou des IFRS. Ces rapports doivent être accessibles aux parties prenantes, renforçant ainsi la confiance et la responsabilité.
De plus, pour surmonter ces défis, il est impératif de s’appuyer sur des standards internationaux éprouvés comme l’ISO 9001, qui fournit un cadre structuré pour un management de la qualité efficace et durable.

En adoptant cette norme, les entreprises peuvent non seulement améliorer leurs processus internes, mais également garantir que leurs produits et services répondent aux exigences des clients et des parties prenantes. La norme ISO 9001, axée sur l’amélioration continue, la gestion des risques et l’engagement des équipes, doit devenir une référence incontournable pour les organisations publiques et parapubliques gabonaises.

Enfin, pour garantir l’efficacité de ces réformes, il est indispensable de créer un Organisme de Supervision de la Bonne Gouvernance des Entreprises et Etablissements Publics et Parapublics. Cet organe, indépendant et doté d’un mandat clair, aurait pour mission de surveiller la conformité des pratiques de gouvernance aux normes nationales et internationales, de former les administrateurs, et de produire des évaluations régulières sur la performance des conseils d’administration et des directions générales. En jouant un rôle de vigie, cet organe contribuerait à prévenir les dérives, à renforcer les capacités institutionnelles et à instaurer une culture de responsabilité au sein des entreprises publiques et parapubliques.

Ces réformes, combinées à une volonté politique forte, permettront de transformer les entreprises stratégiques du Gabon en modèles de gestion moderne et performante. Une gouvernance rigoureuse, ancrée dans l’excellence et l’éthique, est essentielle pour restaurer la confiance, attirer les investissements et garantir un développement durable et inclusif.

C’est à ce prix que le Gabon pourra pleinement tirer parti de son potentiel économique et répondre aux attentes de ses citoyens.

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La Redaction

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