Affaire Veolia: L’association Imagine Gabon « recadre » le président du Medef

REPONSE A LA LETTRE DE M. PIERRE GATTAZ, PRESIDENT DU MEDEF

 

« C’est avec stupéfaction que la population gabonaise a découvert à travers les réseaux sociaux, une correspondance datée du 26 février 2018 adressée par Pierre GATTAZ, Président du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Emmanuel ISSOZE NGONDET, concernant la résiliation du contrat de concession entre l’Etat gabonais et la société VEOLIA.

Cette prise de position hasardeuse, empreinte de légèreté, de mépris et de menaces à peine voilées à l’égard du Premier Ministre, Chef du Gouvernement d’un Etat souverain est totalement inadmissible et appelle de notre part les observations suivantes.  

Sur le plan diplomatique

Cette correspondance, écrite sans respecter les usages diplomatiques consacrés et sous une forme administrative approximative, contenant de surcroit des jugements négatifs sur le gouvernement d’un pays ami, ne peut relever d’une incurie de son auteur (au vu de la notoriété du MEDEF) mais dénote de l’arrogance et de la condescendance de la part d’une certaine catégorie de patrons français nostalgiques d’un passé colonial désormais révolu.  

Le Président du MEDEF qui se permet cette attitude irrévérencieuse en saisissant directement le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, d’un Etat souverain sans passer par les voies autorisées et sans aucune formule de politesse réservée aux plus hautes autorités d’un pays est une faute diplomatique qui porte une atteinte grave à l’imagine des institutions de la République et à la dignité du peuple gabonais.  

Cette posture qui traduit bien l’état d’esprit de certaines entreprises françaises installées en Afrique insupporte les jeunes générations africaines qui exigent désormais de leurs dirigeants une relation décomplexée avec la France.

Cette réalité africaine est également manifeste au Gabon et les entreprises françaises doivent s’y conformer au risque d’accélérer la perte des parts marchés imposée par la concurrence des pays émergents et affronter une impopularité grandissante en particulier auprès de la jeunesse.

Aussi, osons-nous espérer que le Gouvernement français sera bien inspiré de réparer cette faute diplomatique par les voies tracées en vue de préserver les relations d’amitié et de fraternité historiques entre les deux (2) pays.   

  Sur le plan Juridique

Au plan juridique, M. GATTAZ utilise des termes juridiques inappropriés dans le cas de VEOLIA. Ce qui appelle de notre part quelques précisions pour édifier l’opinion nationale.

« L’action d’expropriation d’une société »

A titre de rappel, l’expropriation s’entend d’une opération ou d’un acte de la puissance publique qui a pour effet de priver l’investisseur de ses biens ou de ses droits. En l’hypothèse, la décision prise par l’Etat Gabonais n’a pas pour effet de priver l’actionnaire VEOLIA de ses droits, notamment ses droits à dividendes sur les bénéfices d’exploitation de la SEEG. Appliquer le terme « expropriation » est donc inapproprié.

En revanche, il faut rappeler au MEDEF que l’Administration, c’est-à-dire la puissance publique, dispose, dans certaines circonstances, d’un droit de réquisition. Ce droit va porter généralement sur des biens mobiliers ou immobiliers dès lors qu’un besoin public urgent justifie cette réquisition. Ce droit de réquisition de la puissance publique est inscrit dans les principes et les dispositions légales et réglementaires du droit français, que VEOLIA et le MEDEF ne peuvent ignorer.

Dès lors, l’acte qui a été notifié aux dirigeants de la SEEG le 16 février 2018 s’appelle une réquisition, à savoir un acte des pouvoirs publics gabonais, fondé sur les lois en vigueur en République Gabonaise, par lequel l’Etat exige de son partenaire privé qu’il mette à sa disposition l’ensemble des moyens humains et matériels de la SEEG afin qu’il assure lui-même, pendant une période transitoire d’un an, la gestion de cette entreprise.

Pour être encore plus clair et pour en finir, la réquisition présente une différence importante par rapport à l’expropriation dont tente de se prévaloir VEOLIA/MEDEF. En effet, la réquisition opère un transfert de propriété au profit de l’Administration (ce qui n’est pas le cas en l’espèce), alors que la réquisition n’entraine pas ce transfert de propriété, la personne privée dont les biens sont réquisitionnés est seulement momentanément privée de la jouissance de son bien (c’est le cas en l’espèce et ce, pendant la période transitoire d’un an).

 « Décision unilatérale qui ne repose sur aucun fondement juridique » :

L’acte de réquisition est un acte qui relève de l’exercice par l’Etat de ses prérogatives de puissance publique. C’est un acte par lequel l’Etat exerce son Autorité, pour sauvegarder l’intérêt général.

Il est donc, par nature et par définition, un acte unilatéral. Dès lors, la réquisition par l’Etat Gabonais de la SEEG n’avait pas à être négociée avec VEOLIA, comme deux parties négocieraient pour conclure un contrat.

En revanche, cet acte ayant été précédé de discussions et négociations entamées de longue date avec la SEEG, on ne saurait remettre en cause la volonté et les bonnes dispositions de l’Etat Gabonais à trouver avec son partenaire, depuis les derniers mois du contrat de concession, une solution « bilatérale » à ce qui les oppose quant à l’exécution dudit contrat.

Pour ce qui est du fondement juridique, la décision de réquisitionner la SEEG repose sur les dispositions de la loi n° 3/85 du 25 juin 1985 fixant le régime juridique des réquisitions civiles des biens et services. Elle n’est donc pas sans fondement juridique.

« Une pratique de l’Etat de droit inquiétante » :

L’Etat de droit, c’est le respect par l’Etat lui-même de la loi qu’il édicte. C’est ce qui a été fait en l’espèce et dans l’intérêt du service public. On ne voit donc pas où serait l’inquiétude lorsque l’Etat met en œuvre une procédure prévue par une législation en vigueur.

« Une procédure judiciaire va vraisemblablement s’engager » :

VEOLIA est parfaitement dans son droit d’envisager de saisir la justice s’il estime que ses droits ont été méconnus ou que la décision de l’Etat Gabonais lui cause un préjudice. C’est aussi cela l’Etat de droit.

De la même manière, l’Etat Gabonais est fondé à engager des procédures judiciaires contre VEOLIA s’il estime que ce partenaire lui a causé un préjudice économique, social, environnemental ou autre au terme du contrat de concession qui les a lié.

Tous ces concepts ne pouvant être ignorés des juristes du MEDEF et qu’une suite judiciaire est quasi-certaine dans ce dossier, en conséquence, la sortie de M. GATTAZ est inopportune.

Sur le plan technique

Il faut rappeler à M. GATTAZ que la rupture de contrat avec VEOLIA ne procède pas d’une décision brutale et spontanée. Au contraire, l’Etat gabonais a même fait preuve d’une patience qui s’est révélée préjudiciable pour le service public de l’eau et de l’électricité et dont les populations gabonaises paient un lourd tribut. 

En effet, excédé par la dégradation continue de la qualité du service rendu aux usagers, le Gouvernement a lors du Conseil des Ministres du 02 décembre 2009, décidé de réaliser un audit comptable et financier, tarifaire et technique de la convention de concession avec la SEEG/VEOLIA signée en 1997 ainsi que de l’ensemble de ses avenants.

Le cabinet DELOITTE-Gabon sélectionné à l’issue d’un appel d’offres international ouvert, a dressé un état de lieux complet et sincère de la situation de la concession.

Ainsi, l’audit a conclu à des défaillances du concessionnaire à maintenir les biens du domaine concédé.

Plus précisément, par rapport l’obligation faite au Concessionnaire d’entretenir et de renouveler les biens du Domaine Concédé, l’audit a constaté une quantité anormale d’installations en mauvaise état et un retard considérable en matière de renouvellement des biens de retour dans tous les domaines : production, transport et distribution.

L’audit a relevé que le niveau des entretiens et des renouvellements était insuffisant alors que l’Etat a respecté ses engagements contractuels. DELOITTE a également constaté :

  • Un recours important à l’autofinancement et au découvert bancaire au détriment de l’emprunt qui aurait permis d’équilibrer les sources de financement ;
  • Un niveau de capitalisation faible par rapport au niveau d’investissements requis ;
  • Le versement des dividendes à hauteur de 30 milliards FCFA entre 1999 et 2006 dégradant ainsi la situation financière de l’entreprise ;
  • Un recours systématique à la sous-traitance au détriment de la formation des Gabonais se traduisant par une dilution des métiers et la construction d’une grappe d’activités et d’entreprises de sous-traitance opportunistes.

Sans être exhaustif, DELOITTE a conclu à la « NON CONFORMITE » des obligations d’entretien et de renouvellement par le Concessionnaire ayant conduit à la dégradation de la qualité du service et des risques sur la sécurité des personnes et des biens.

Après un constat aussi sévère, grande fut la surprise des populations de voir l’Etat gabonais prolonger le contrat de VEOLIA de cinq (5) ans au terme de la convention de concession certainement par courtoisie vis-à-vis de la France.

Alors que le Gouvernement a pris le risque de se mettre à dos sa propre population en rage contre la SEEG/VEOLIA, celui-ci aurait certainement apprécié que le MEDEF réagisse pour rappeler à l’ordre VEOLIA dont les manquements dénoncés entachaient gravement l’image d’une multinationale française.

En prenant aujourd’hui fait et cause pour VEOLIA avec une telle arrogance, le MEDEF affiche une posture inhumaine en montrant aux yeux du monde que les intérêts financiers des entreprises françaises sont au dessus du bien-être des populations gabonaises.

IMAGINE-GABON extrêmement choquée par cette sortie impromptue et maladroite de M. GATTAZ marque sa désapprobation et assure le Gouvernement de sa disponibilité à soutenir son action dans ce dossier.

IMAGINE-GABON qui dispose d’éminents juristes, d’ingénieurs de haut vol dans le domaine de l’eau et de l’électricité ainsi que des enseignants-chercheurs primés à l’international et reconnus par leurs pairs est prête à apporter sa contribution pour défendre la République et les populations gabonaises martyrisées par VEOLIA depuis une vingtaine d’années ».

Fait à Libreville, le 06 mars 2018

Pour IMAGINE-GABON THINK-TAN

Martial NDONG

Responsable du Pôle Communication et Relations Publiques

 

 

 

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