DIG/ Suite à la réquisition jugée « brutale » de la SEEG par l’Etat, le secrétaire général du groupe Veolia, Helman Le Pas de Sécheval, a donné, le 9 mars 2018, une interview video exclusive au média en ligne Web Tv www.labourseetlavie.com.
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Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le secrétaire général de Veolia. On va parler avec vous du dossier Veolia au Gabon puisqu’effectivement, vous avez communiqué ce matin à ce sujet. Par rapport aux dernières annonces que vous avez pu faire, est-ce que pour vous, c’est monté d’un cran dans la défense de Veolia au Gabon ?
Helman Le Pas de Sécheval : Nous avions dit dès le début que nous irions jusqu’au bout pour faire valoir nos droits. Donc, ce n’est pas une surprise, je pense, mais c’est effectivement une étape supplémentaire qui est franchie par ce dépôt d’une demande de conciliation auprès du Centre national de règlement des différends en matière d’investissement.
Est-ce que ça peut amener le Gabon à y réfléchir ? Parce que le Gabon, on a eu le ministre de l’Eau et de l’Énergie, donc ici même, la semaine dernière exactement, il dit lui qu’il respecte la loi gabonaise.
Donc nous, nous appelons effectivement de nos vœux le Gouvernement à changer d’attitude. Depuis le début, nous avons fait face à une campagne de désinformation et même de diffamation extrêmement importante. Ça a commencé par : il s’agit d’une rupture tout à fait normale de contrat. Une rupture tout à fait normale de contrat, ça se fait avec un huissier de justice muni d’une décision de justice et non pas d’une réquisition par des hommes en arme qui vous exproprient des locaux et qui demandent au management de bien vouloir sortir. Ensuite, on a eu : c’est Veolia qui a quitté la table des négociations, la SEEG. Bien entendu, on a pu démentir ça extrêmement rapidement. On a une troisième explication, c’est : Veolia et la SEEG n’ont pas fait les investissements qu’il fallait pour maintenir la qualité de service. Heureusement pour nous, les comptes de la SEEG sont audités par les deux plus grands cabinets d’audit internationaux et sont publics sur le site internet de l’entreprise. Nous avons pu démontrer que par rapport à l’obligation dans le contrat de concession d’investir 100 milliards de francs CFA sur les 20 ans, la SEEG a investi 366 milliards de francs CFA. Nous avons ensuite eu droit à : Veolia va geler tous ses investissements en Afrique. Si jamais il y avait encore le moindre doute, je vous confirme que Veolia tiendra tous les engagements qu’elle a pris auprès de tous ses clients dans tous les pays où Veolia et ses filiales travaillent.
Donc, il n’y aura pas d’impact ?
Nous avons eu ensuite droit à : tout ceci est dû au fait que les sites sont pollués. Alors, comme vous le savez, le gouvernement a une part du capital, a deux représentants au conseil d’administration de l’entreprise depuis l’origine, depuis 1997, a eu accès à tous les audits en matière environnementale qui ont pu être fait et ça nous arrive 15 jours après. Donc là, devinette : quel sera le sujet la semaine prochaine ? Donc il y a un moment, il faut arrêter tout ça, puisque, nous parlons du droit, nous demandons à notre contrepartie de respecter le droit. Que prévoit le contrat de concession signé entre la SEEG et le gouvernement gabonais ? Qu’en cas de différend, il sera porté devant le CIRDI. Eh bien, tout simplement, nous appliquons ce qui est prévu. La SEEG a été faire cette première procédure dite de conciliation devant le CIRDI.
Donc, sur les sujets de pollution, qui effectivement, on a entendu le ministre le dire, vous estimez vous que Veolia a fait aussi bien que ce qu’il fait en France, c’est-à-dire au Gabon n’a pas fait d’erreurs sur la pollution ? Il n’y a pas de sujet de pollution au Gabon ?
Qu’il y ait de temps en temps un accident sur une exploitation industrielle, bien sûr que ça peut arriver. Évidemment. Les rares fois où c’est arrivé, immédiatement tout a été fait pour y remédier. Là encore, on entend beaucoup parler de l’Agence des Parcs nationaux. Ce qu’on ne dit pas, c’est que cette agence coopère avec la SEEG depuis deux ans précisément sur ces sujets-là. Donc, lorsqu’il y a un accident, ce qui arrive, il est immédiatement réparé, mais bien entendu voir cette raison surgir 15 jours après l’expropriation est pour le moins surprenant.
Du côté du Gabon, il y avait effectivement, il y a quelques mois, le contrat qui était renouvelé, mais pour une période plus courte. Est-ce que ça, ça n’aurait pas dû vous donner effectivement la puce à l’oreille, comme on dit, sur le fait que vous n’étiez pas renouvelé complètement ?
Non, au contraire. Que le gouvernement gabonais ait voulu modifier les termes du contrat, se soit donné une période de transition pour y réfléchir, en l’espèce, la perspective était de passer d’un contrat de concession à un contrat d’affermage où précisément la SEEG n’aurait plus été propriétaire d’aucune infrastructure, ni de production ce qui était déjà la propriété du Gouvernement, mais ni même de distribution, ce qui là en revanche était la propriété de la SEEG. Ceci augmentait les revenus de l’État gabonais puisqu’en cas de contrat d’affermage, il y a un paiement d’un fermage par le fermier au propriétaire des infrastructures, mais il fallait un temps pour mettre ça en place et c’est la raison pour laquelle nous devions encore négocier les termes de tout cela dans les mois à venir.
Vous avez vu aussi que le ministre de l’Eau et de l’Énergie disait que ça en est fini des contrats France – Afrique. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Donc, le message que nous, nous avons voulu faire passer, c’est qu’après plusieurs grands groupes français et pas seulement qui ont quitté le Gabon, précisément, parce que l’État de droit n’y est pas respecté, les conditions d’investissement, la stabilité du droit n’est pas assurée, l’expropriation de la SEEG était un message épouvantable. Alors que le continent africain a cruellement besoin d’infrastructures de production et de distribution d’eau et d’électricité, aller exproprier, spolier de cette manière le plus gros investisseur hors les pétroliers au Gabon qui en 20 ans a investi plus de 500 millions d’euros dans des contrats d’infrastructure, qui en 15 ans a été tripler le nombre de personnes raccordées à l’eau et à l’électricité, atteignant des taux en 2012 au ¾ de la concession 89,3 % en matière de raccordement à l’eau et 92,7 à l’électricité – Le Gabon était dès 2012 un des cinq premiers pays africains pour le raccordement de ses populations à l’eau et à l’électricité – traiter de cette manière une entreprise. Je rappelle, c’est important, que Veolia détient 51 % du capital de la SEEG, les 49 % étant détenus par des acteurs gabonais, des entreprises gabonaises et des particuliers gabonais. Est-ce que c’est une manière de traiter les grands investisseurs étrangers et même l’autre moitié de son pays ? Non, je ne crois pas.
Le Gabon répond qu’il y a des investisseurs qui frappent à la porte et il dit même, toujours dans cette interview, que d’autres Français pourraient venir et qu’il n’y a pas de sujet et que Veolia, ce n’est pas la France.
Sûrement que Veolia n’est pas la France. Je pense quand même que le très mauvais signal qu’ils ont envoyé par leur action brutale les a obligés effectivement à un peu rétro-pédaler et à au moins exprimer auprès des investisseurs internationaux qu’ils ont besoin d’eux. Mais un investisseur international ne se contentera pas de bonnes paroles. Les faits parlent plus fort que les mots.
Alors, les concessions, on sait que c’est des contrats très longs. Comme on peut en arriver là sur un contrat de concession, parce qu’on imagine que vous connaissez bien forcément, même les États se connaissent, les entreprises se connaissent quand on est 20 ans dans un pays et que la rupture soit aussi brutale ?
Je vous avoue que ça a été une surprise. Nous avons été surpris par le caractère soudain et brutal de cette action d’expropriation. D’où effectivement une réaction un peu en défense pour essayer de comprendre ce qu’il se passe. De fait, le sous-investissement de l’État gabonais et de ses partenaires éventuels dans les infrastructures de production, c’est vrai que depuis plusieurs années, le gouvernement gabonais avait été alerté par la SEEG en 2011, en 2015, en 2016, à de multiples reprises, sur le fait que les capacités de production en eau et en électricité, les barrages, les centrales, arrivaient à saturation. L’eau potable, ça ne se produit pas par miracle. Quand vous êtes en saturation des outils de production, on ne peut pas produire plus et notamment lorsque la population, elle, augmente à un rythme important. Donc effectivement à de multiples reprises, l’attention du gouvernement gabonais avait été attirée. De fait, ce sous-investissement dans l’infrastructure de production crée des défauts de qualité de service, des coupures de courant, des délestages ou des coupures d’eau. Mais la question effectivement, c’est que, je pense que pour se dédouaner de son absence d’investissement dans les infrastructures qui relevaient de sa responsabilité, il a essayé de trouver un bouc émissaire.
Est-ce qu’aujourd’hui pour vous, c’est fini au Gabon ? Il y a cette action que vous allez mener, mais vu effectivement ce qui se dit en face, ce qui s’est dit ici même, honnêtement, on a l’impression qu’aujourd’hui on attend de Veolia qu’il signe le divorce, un point, c’est tout.
C’est ce qu’ils voudraient de notre part. Vous voyez que nous, nous répondons par une demande de conciliation. On verra si nous sommes entendus.